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JACQUES CUR ET L'ALCHIMIE Lorsque les Amis de Jacques Cur mont demandé de rédiger un article sur Jacques Cur et lAlchimie dans la continuité de larticle écrit pour Histoire Médiévale de février 2004, jai hésité. Mes deux ouvrages, «Jacques Cur, lhomme aux yeux démeraude » et « dalchimique mémoire, Jacques Cur » avaient pris en compte cette réalité qui échappe aux poids et mesure de la raison froide en intégrant la dimension alchimique du chevalier au cur et à la coquille. Cela nest pas toujours bien perçu. La fin du vingtième siècle et le début du vingt-et-unième siècle français ont vu sinstaller un état de fait prônant le bannissement de certaines activités dorientation symbolique, fait relevant de ce que Louis Pauwels appelait « la bataille de lesprit fermé contre lesprit ouvert ». Dans cette chasse à la sorcière, lalchimie occupe une place de choix. Ecrire sur le sujet pour le web était donc retourner le couteau dans la plaie. Refuser de revenir sur ce sujet était ne pas saisir la chance quun groupe de personnes, fermement guidées par le souhait dune connaissance élargie du Grand Argentier, moffraient pour approfondir cette facette mystérieuse de sa vie. Les Amis de Jacques Cur minvitaient à mexprimer au nom du regard tout simplement attentif et aimant de lamitié. Avant donc de développer ce thème qui est lun de mes sujets préférés, écoutons Bernard Méheust, professeur de philosophie, dans un article de VSD sur les recherches officielles sur le « paranormal », hors série Juillet 2003, page 54 : « Sil était encore besoin de le démontrer, le succès du livre dHenri Broch et de Georges Charpak, «devenez savants, devenez sorciers », Odile Jacob, 2002, en fournirait la preuve : on peut réfuter la métapsychique sans risquer dêtre contredit. Cet ouvrage a beau sêtre vendu à 230.000 exemplaires et avoir été salué comme une contribution importante à la prophylaxie sociale, il demeure creux à mes yeux. Rares sont les commentateurs (hormis Michel Polac) à sêtre élevés contre louvrage. Les contradicteurs suffisamment informés se sont raréfiés ou nont plus droit au chapitre. Du coup, les règles du débat didées, fondé sur linformation et largumentaire, peuvent être piétinées en toute impunité. Comment une question qui, au début du vingtième siècle, passionnait les plus grands esprits, a-t-elle pu à ce point sévanouir de la conscience collective et du débat public ? » Pourquoi cette citation ? Parce que lalchimie est une métapsychique aussi bien quune métaphysique, une pratique unissant physco-chimie, religiosité et pensée symbolique. Nous retrouverons ce triple concept dans les livres de pierre quont laissé les grands alchimistes. En ce sens, Jacques Cur na pas dérogé à la règle du ternaire dans les signes quil a laissés dans la pierre. A ce jour, aucune preuve écrite de sa pratique alchimique na été retrouvée. Tentons cependant découter les signes matériels et le faisceau de convergences quils semblent constituer en gardant lesprit ouvert dans une volonté de synthèse et dacceptation dune pensée bien loin des limitations matérialistes de notre modernité. Sans vouloir paraphraser Michel Mehust, comment lalchimie, qui a toujours passionné les grands esprits, comme Newton qui la pratiquée, et marqué notre inconscient collectif, peut-elle à ce point être bannie, lorsquelle nest pas soupçonnée de sorcellerie, au point de faire tendre à disparaître ou se cacher les travaux qui permettent den comprendre lintérêt ? Dune belle utilité serait la grande moralité qui ressort des textes que les alchimistes ont laissés. Notre monde moderne en rupture de spiritualité aurait de quoi sen inspirer ! Sa citation exprime bien la dichotomie dans laquelle se trouve notre société en ce qui concerne les choses de lEsprit dont lalchimie fait partie. De là sans doute vient le peu de place accordée à ce sujet épineux dans les ouvrages modernes consacrés à Jacques Cur, alors que son lien avec lalchimie est évoqué régulièrement dans le passé. Pour traiter le sujet exhaustivement, un tour dhorizon simpose sur les différents écrits établissant un lien entre Jacques Cur et lalchimie. Tout dabord, soyons clairs. Il faut souligner le manque dempressement des alchimistes eux-mêmes à étaler ce sujet qui pouvait mettre leur vie en danger, sauf lorsquils trouvaient protection auprès dun souverain assez éclairé pour leur épargner certain désagrément. De nombreux alchimistes ont péri dans les antres sombres du pouvoir, raison du silence posé sur ces pratiques devenues secrètes par nécessité. Ceux qui nont pas respecté la loi du silence et du secret, lont chèrement payé. Curieusement, sil ne sétait
enfui de la prison de Poitiers en Octobre 1454, cest
ainsi que Jacques Cur aurait fini. Face à ce péril,
par prudence et nécessité, seuls les livres de
pierre, les devises et les symboles parlaient clairement. La
création architecturale du Grand Argentier de Charles
VII semble sinscrire dans cette tradition. Les symboles
quil fit sculpter dans ses créations de Bourges
et Montpellier évoquent la lignée de la Voie Sèche
telle quelle fut présentée par
3.
FULCANELLI
et 4.
EUGENE CANSELIET.
Tous
deux étaient convaincus que Jacques Cur était
alchimiste et que là était lorigine véritable
de son immense fortune, son « royal gardon » ou royal
salaire, doù peut-être les étranges
vitraux quadrilobés au sigle R.G. (qui évoque également
la matière première de cette voie) de sa sacristie
privée, cathédrale Saint Etienne, et les tapisseries
tissées de R.G. quil affectionnait au point de les
emporter à Rome lors de son ambassade. 3. FULCANELLI Fulcanelli est sans aucun doute l'alchimiste qui, au vingtième siècle, qui a le premier mis l'accent sur les liens de l'uvre artistique de Jacques Cur avec l'alchimie. Les deux livres dans lesquels il décrit certaines représentations de Bourges, " les demeures philosophales " et " le mystère des cathédrales ", sont consacrés à la tradition iconographique de cette pratique hermétique sous ses différents aspects. Son disciple, Eugène Canseliet, a continué cette voie et s'est également intéressé à Jacques Cur dont il a souvent parlé dans ses livres, mais également dans la revue Atlantis. LES DEMEURES PHILOSOPHALES, Editions Pauvert, 2001 Vol. I, page 358, Fulcanelli évoque l'appartenance de Jacques Cur à l'Ordre de la Rose-Croix dont certains adeptes, comme les Templiers, pratiquent l'alchimie :
Vol. II, pages 177, 178 Illustration
des trois arbres, tour du palais Jacques Cur, Bourges.
Planche XXXV. Fulcanelli le présente comme " l'engagement
secret ".
Les paragraphes suivants évoquent clairement les figures hiéroglyphiques d'un des piliers sur croisées d'ogives de l'entrée de l'hôtel Jacques Cur, à Montpellier (de nos jours Hôtel des Trésoriers de France, qui abrite le Musée Languedocien), ainsi que le thème du chêne souvent repris par le Grand Argentier et le fou de la scène de Tristan et Yseult, chambre du trésor, palais de Bourges :
LE MYSTERE DES CATHEDRALES Dans cet ouvrage, à partir de la page 175, Fulcanelli reprend certains éléments des deux monuments les plus intéressants de Bourges au point de vue iconographie alchimique : le palais Jacques Cur et l'Hôtel Lallemant.
Tout au long des pages 178 à 182, Fulcanelli développe certains éléments du palais Cur. Nous ne reprendrons que quelques courtes citations, nous étant inspirés dans nos deux livres de ce travail, comme de celui d'Eugène Canseliet. Bien que certains passages soient cités dans ( LIEN) LE LIVRE DE PIERRE DE JACQUES CUR, nous ne pouvons qu'inciter le lecteur intéressé à partir lire à la source. Page 178 :
Plus loin, évoquant le blason et la devise du Grand Argentier, il ajoute :
Il est certain que l'argent a été le fil directeur de la vie de Jacques Cur, depuis ses premiers pas de monnayeur, dès la première date connue, 1427, jusqu'à sa condamnation en 1453. L'un des griefs majeurs du procès était d'avoir illégalement exporté de l'argent du royaume français et d'être aller le fondre à Rhodes. Il s'en est défendu en disant que pour un marc d'argent exporté il avait fait entrer un marc d'or. Les historiens ont évalué à 120 kilos environ la charge d'argent qui sortait à chaque voyage de galée. On peut aisément imaginer les bénéfices dégagés par un échange poids pour poids argent contre or. Dans cette ligne, il apparaît évident que la possibilité qu'offrait le port de Marseille d'exporter de l'argent facilement ait pesé lourd dans la décision de Jacques Cur et Jean de Village de déplacer leurs affaires de Montpellier à Marseille. L'intérêt que Jacques Cur portait à la mine de plomb argentifère de Pampailly, aux mesures exceptionnelles qui s'y pratiquaient et aux avantages étonnants des ouvriers, s'expliquerait-il par sa connaissance de l'uvre au blanc qui aurait pu lui permettre tout simplement d'augmenter les rendements ? N'est-il pas étrange que Jacques Cur ait tant fait pour cette mine et ses ouvriers alors que le Procureur Dauvet, l'ayant jugée déficitaire, la fit fermer ? Certaines particularités de cette mine surprennent encore aujourd'hui les géologues. Nous attendons les commentaires de l'un d'entre eux qui nous a dit un jour : " la mine de Pampailly est la mine d'Europe où on a fait le plus de recherches. Elles ne sont pas terminées." A suivre donc... LE COEUR (Page 178) :
LA COQUILLE (Page 178) :
TRISTAN ET YSEULT (Page 180) :
LE ROI (Page 181 ):
A propos de la rose et de la roue qui évoque SAINTE CATHERINE D'ALEXANDRIE, chère à jacques Cur, il écrit, page : " Au Moyen Age, la rose centrale des porches
se nommait Rota, la roue. Or, la roue est l'hiéroglyphe
alchimique du temps nécessaire à la coction de
la matière philosophale et, par suite, de la coction elle-même.
Le feu soutenu, constant et égal que l'artiste entretient
nuit et jour au cours de cette opération est appelé,
pour cette raison, feu de roue. " 4. Eugène CANSELIET Eugène Canseliet a souvent évoqué Jacques Cur lors de conférences ou dans des articles écrits pour la revue Atlantis. Avançant dans mes propres recherches sur Jacques Cur au fil des ans, j'ai pu voir combien ses remarques étaient pertinentes et sa vision d'ensemble juste. Elles laissent à penser qu'il a longuement étudié la vie du Grand Argentier ou qu'il a eu accès à des documents qu'il ne cite pas. Touchée par le lien qui existait entre ces deux hommes à travers le temps et l'espace, je me suis inspirée de ce grand érudit alchimiste pour le personnage de Silvère de Lignières dans l'Homme aux yeux d'émeraude. Je reprendrai plus tard tous les éléments dont a parlé Eugène Canseliet sur la vie de Jacques Cur. DEUX LOGIS ALCHIMIQUES, éditions Pauvert, 1979 Page 119 :
Page 176 :
Monsieur Canseliet semble ignorer les références annoncées par Pierre Borel sur l'existence d'un supposé manuscrit d'alchimie écrit par Jacques Cur. Ce manuscrit ne contredirait en rien la nécessité du secret dans la mesure où, s'il existait, dans le cadre de la transmission directe, il était très probablement réservé aux aspirants alchimistes élèves de l'Argentier. Page 178 :
LUNE ET CERFS VOLANTS Page 217 : " Principalement, nous y insistons, le croissant de la Lune en ascendance et soulignant la condition sine qua non d'exécution, que Dieu posa en obstacle, fréquemment insurmontable, à la diabolique avidité des indignes. C'est dans le même dessein d'hermétique enseignement que l'alchimiste Jacques Cur fit sculpter des cerfs-volants sur le tympan d'une des portes de la grand'salle, en son palais de Bourges. " Certains détails du palais évoquent clairement l'importance de la Lune, " reine de la nuit " et de ses phases, notamment le blason lunaire de la chapelle. COQUILLE SAINT JACQUES Page 253 : " Dans la forme la plus antique, que conserva le Moyen Age, avec ses deux rangées de dents, le peigne, en son commun office, simule la fonction du mercure dans l'uvre. Effectivement, le fidèle serviteur attire à soi l'Esprit du Monde - Spiritus Mundi ; il le retient, le lisse et le caresse afin de former avec lui cette " eau sèche ne mouillant pas les mains " et dans laquelle éclatent la pureté et la beauté. C'est la dualité de la coquille ou du " peigne de Jacques ", pecten Jacobeus - qui fut chère au Grand Argentier de Charles VII et dont Fulcanelli élucida le mystère, dans son premier ouvrage, après qu'il eut longuement visité, à Bourges, le beau palais Jacques Cur. En conséquence, il serait utile que le néophyte relût, en cet endroit, les lignes si charitables du " Mystère des Cathédrales ", et qu'il effectuât ainsi un fructueux rapprochement. Particulièrement avec la division huitième qui, dans le même volume, est consacrée à " la Vierge sur le point d'enfanter - Virgini Pariturae ". Page 316 : " Au demeurant,
la licorne tient lieu du livre ouvert que la Vierge a souvent
auprès d'elle, dans l'iconographie peinte ou sculptée
de l'Annonciation. Celle que Jacques Cur fit représenter,
au-dessus de la porte de la chapelle, en son palais de Bourges,
se montre de loquacité grandement extraordinaire
". 6. VAN LENNEP « ALCHIMIE », 1985, C.C.B. éditeur, distribué par Dervy. Dans cette somme de références historiques et bibliographiques, Van Lennep cite Jacques Cur en pages 245, 249, 261, 263 à 266, 271 et 375.
Page 245 : « On saperçoit dailleurs que quelques-uns des monuments considérés comme alchimiques sont attribuables à des personnages très riches et exerçant une activité financière. Après Flamel qui peut en être suspecté, il y eut Jacques Coeur et Jean Bourré. Leurs demeures cacheraient le secret de la pierre philosophale qui les aurait enrichis, rappelant le rapport embarrassant entre lor véritable et lor symbolique.
Page 249 : « 1926, publication par le mystérieux Fulcanelli de son livre « Le mystère des cathédrales ». Cet ouvrage étudie non seulement Notre Dame de Paris, mais aussi la cathédrale dAmiens, deux édifices de Bourges : le palais Jacques Cur et lHôtel Lallemand, ainsi que la croix cyclique dHendaye.
Page 261 : « Le rapport entre lalchimie et la cause principale de la réputation queut Nicolas Flamel dêtre un adepte, sa fortune, mérite lattention. Nous allons le retrouver souvent dans les pages qui suivront à propos de Jacques Cur, Jean Bourré, ou les Lallemand, tous grands financiers qui passèrent également pour alchimistes. Eux aussi furent les commanditaires de sculptures ou peintures intégrées par la tradition iconologique qui nous préoccupe. Cette coïncidence nest pas fortuite.
Page 262 : « La tradition de figures peintes ou sculptées, inspirées par lalchimie et ornant des édifices religieux ou profanes est ancienne. Daprès Ashmole, John Cremer, alchimiste qui, au XIVème siècle, fut abbé de Westminster, fit peindre sur un des murs de cette abbaye « les grands mystères de la pierre philosophale. »
Par ces quelques lignes, Van Lennep rappelle que lalchimie est réservée à des érudits car elle requiert la traduction de livres écrits en latin ou grec et demande des qualités intellectuelles certaines : esprit de chercheur curieux, logique, capable de comparaison et déduction, capacités danalyse et de synthèse. Il cite, dans son ouvrage, de nombreux cas de moines ou prêtres alchimistes.
Page 263 : « Le rapport entre lalchimie, la fortune ou loccupation financière peut être proposé comme une des causes de cette tradition iconologique lorsquelle est appliquée à Nicolas Flamel ou encore, comme nous allons le voir, à Jacques Cur et Jean Bourré. » Et, faisant référence aux écrits d Eugène Canseliet, il cite : « Peut-être sétonnera-t-on que nous nayons modelé aucun détail propre à fixer nettement les activités philosophiques du Grand Argentier de Louis XI. Déjà très rares dans la vie mal connue des adeptes, qui laissèrent la preuve indéniable et historique de leur accession à la vérité divine, les données précises disparaissent totalement dès quil sagit de personnages de haute condition et mêlés par surcroît au gouvernement des pays. Jacques Coeur, qui eut auprès de Charles VII un rôle analogue à celui de Jean Bourré au côté de Louis XI, pas plus que son émule immédiat, ne laissa le souvenir daucun fait certain relevant de son effort dans la philosophie chimique. Suivant les principes traditionnels généralement respectés des adeptes, il nous transmit cependant son message, voilé sous la décoration sculptée de ses nombreuses demeures. De même, Jean Bourré, attentif à retrancher de ses papiers tout ce qui eût été positif et révélateur à lendroit du grand secret de son existence, nous en dissimula la nature dans les scènes peintes de son plus beau château. »
Noublions pas, en ce qui concerne Jean Bourré, que Guillaume de Varye, directeur financier de lempire Cur dirions-nous aujourdhui, destitué par Charles VII puis réhabilité, redevient général des finances sous Louis XI. Y a-t-il entre lui et Jean Bourré une transmission alchimique ? Il serait intéressant de rechercher dans lentourage proche de Jacques Cur lexistence de membres de la famille Bourré.
Page 264 : « La réputation dalchimiste de Jacques Coeur est ancienne, puisque déjà reconnue par le médecin de Louis XIII, David de Planis-Campy : « Je ne puis icy passer la mort de Jacques Coeur, lequel en considération de ce secret quil possédait, obtint de Charles VII pouvoir de forger monnaye dargent pur, qui estaient des gros vallant trois sols, surnommez de Jacques Coeur » et qui portaient « trois curs qui estoient ses armoieries ». « En ce même dix-septième siècle, Pierre Borel rapporta quil « avoit la pierre philosophale et que tous ces commerces quil avoit sur mer, ses galères et les monnayes quil gouvernoit, nestoient que des prétextes pour se cacher, afin de nêtre point soupçonné ». Ailleurs, il précisa encore que Jacques Coeur aurait écrit sur le Grand uvre et il mentionna les figures hermétiques dont il avait orné son palais. Elles révèleraient, selon lui, le secret de la pierre au blanc qui projetée sur un métal vil le change en argent et quil aurait découverte. »
Notons, en ce qui concerne Louis XIII et son médecin, David de Planis-Campy, cet autre passage de Van Lennep, page 24 : « Lalchimie ne cessa de séduire les princes. Ainsi, en 1626, David Lagneau fut-il appointé par Louis XIII. Ce souverain avait hérité cette curiosité de son prédécesseur Henri IV et la partageait avec Richelieu. » Nous retrouvons Louis XIII, curieusement, à Beaucaire où il ordonne la tenue des états généraux et à Cuers où il donne le lys au village, information communiquée par M. Serge Porre, historien, archiviste de Cuers. Quelle raison Louix XIII a-t-il de sintéresser daussi près à un petit village bien éloigné des rênes du pouvoir ? Jacques Van Lennep cite lAbbé Lenglet-Dufresnoy qui, tout en contestant les allégations de Pierre Borel, semble reconnaître lexistence ou la rumeur dun traité dalchimie écrit par la main de Jacques Cur : « En vain Pierre Borel, amateur outré de la science hermétique, veut prouver que les grands biens de Jacques Cur viennent du secret de la transmutation des métaux. Le ministre crut se mettre à couvert des recherches en se déclarant philosophe hermétique ; il fit bâtir à Bourges une maison superbe, sur laquelle il fit graver les emblèmes de cette science, qui sy voient encore. Ce quil exécuta pareillement à Montpellier. Mais on ne fut pas la dupe de sa conduite ; on se garda bien de prendre le change ; et malgré le Traité de sa composition quil fit courir sur la transmutation des métaux, on sentit bien que toutes ses richesses venaient de ses concessions, et non pas dune louable industrie. » Concernant la référence de Pierre Borel à un traité sur la transmutation des métaux quaurait écrit Jacques Cur, lAbbé Lenglet-Dufresnoy ne semble pas en contester lexistence. Jacques Cur a-t-il accompli l « uvre au Blanc » qui permet de transformer les métaux vils en argent. Nous connaissons le rôle qua tenu le métal blanc dans la vie du Grand Argentier. Page 265 : «Pour les uns donc, Jacques Cur fut un adepte ; pour les autres, il le fit croire. Dans les deux cas, cette qualité est mise en rapport avec son degré de fortune et mieux encore son pouvoir de battre monnaie. Quels que soient les partis, la tradition iconologique se fonde dès le dix-septième siècle sur cet argument pris à tort ou à raison. »
Van Lennep décrit certaines sculptures du palais Jacques Cur à Bourges, ou plutôt reprend les commentaires de Fulcanelli que nous détaillons par ailleurs. Il note avec pertinence « la constante du trinaire ». Nous y reviendrons également car ce trinaire est lié à un concept fondamental de lalchimie représenté par lunion des éléments Soufre, Sel et Mercure philosophiques (qui, rappelle Eugène Canseliet, ne sont pas les éléments chimiques connus).
« Plusieurs tympans décorant des portes donnant sur la cour dhonneur étonnent par leur iconographie inhabituelle, particulièrement ceux qui couronnent les accès à la chapelle. Chacun des trois tympans comporte trois personnages."
Bas-relief de gauche Lun porte un livre fermé, symbole de lésotérisme, lautre sonne dune cloche, le troisième est un mendiant.
Bas-relief central « Un homme recouvre dun voile un autel qui porte un signe qui passe pour être un matras contenant la double matière de luvre suggérée par un cur et une coquille. La lecture première de ces deux emblèmes désigne le maître de céans : le cur (son patronyme) et la coquille (attribut de Saint Jacques de Compostelle), son prénom. Fulcanelli, dans le Mystère des Cathédrales, y a vu néanmoins les symboles du soufre et du mercure. Un homme aux beaux atours séloigne en élevant les yeux au ciel. Il tient une bourse et est précédé par un aveugle ou, en tout cas, un homme plus modeste qui avance à tâtons. Remercie-t-il le ciel pour ses bienfaits : la pierre quil aurait obtenue dans lautel-athanor ? Ce tympan au sujet mystérieux est sans doute à lorigine de la réputation de Jacques Cur. »
Cet élément a largement été commenté par dautres auteurs, dont Eugène Canseliet. Il est sans aucun doute le plus représentatif de la pratique alchimique et pourrait bien représenter Jacques Cur et ses deux associés, Jean de Village et Guillaume de Varye. Cest la raison pour laquelle nous avons demandé à deux alchimistes opératifs de commenter cette SCENE DE LATHANOR.
Bas-relief de droite « Il montre trois femmes de qualité, guidées par un enfant. Un ange présente un croissant lunaire. Sagirait-il dune allusion aux trois principes (soufre, mercure et agent de fusion) qui permettent dobtenir largent (la Lune), certaines opérations étant, comme on le sait, un travail de f emme et un jeu denfants ? La constante du trinaire nest certainement pas un hasard dans la décoration du palais. Deux autres tympans de portes donnant sur la cour dhonneur présentent chacun trois arbres. Sur lun, il pourrait sagir de pommiers rappelant le Jardin des Hespérides cher aux alchimistes. Sur lautre, il y a un palmier que déjà les Gréco-Egyptiens, rapprochant son nom en grec phoinix de celui identique de la couleur rouge et enfin du Phénix, considéraient comme un symbole de la pierre. Parmi les autres arbres encore retenus par lalchimie, figuraient lolivier, le chêne, le persea toujours vert et le « musa » au tronc écailleux porteur de larges feuilles. »
Nous reviendrons plus loin sur le thème du trois dans les signes laissés par Jacques Cur dans 10. LE LIVRE DE PIERRE. « Dans la chambre dite du Trésor, un cul-de-lampe représenterait la rencontre de Tristan et Yseult épiés par le Roi Marc dont la tête apparaît dans le feuillage dun abre. Celui-ci, qui fait partie dun groupe de trois, pousse derrière un enclos carré en saillie. Alchimiquement, nous assistons à la rencontre des époux qui engendreront la pierre, ce fruit qui pousse sur larbre de la philosophie, habituellement couronné comme cest le cas ici, par la présence du roi. Un fou (le mercure) les épie. »
Cette scène a été reprise dans le roman « Jacques Cur, lhomme aux yeux démeraude » car elle évoque de manière audacieuse et ambiguë les liens quentretenaient Jacques Cur et Agnès Sorel, la Dame de Beauté, maîtresse officielle de Charles VII. Comme la sculpture en encorbellement de la chapelle du palais, le roi découronné, elle a pu déchaîner la colère du Roi. Bien que les représentations de Tristan et Yseult soient en vogue en Moyen Age, nous pouvons voir là le caractère quelque peu frondeur de Jacques Cur. Il ne pouvait ignorer que le Roi y verrait là un cuisant camouflet.
Pour les amoureux des
« demeures philosophales », Van Lennep
continue par la description de lHôtel Lallemant dont
lun des membres, rappelons-le, était contemporain
de Jacques Cur. Des échanges de marchandises entre
les deux familles sont cités dans les minutes du procès. Michel MOLLAT Dans « Jacques Cur ou lesprit dentreprise », éditions Aubier, 1988, page 370-374, cet historien, sans conteste celui qui a le plus évoqué les facettes occultes du personnage Coeur sans les approfondir, écrit : « Une phrase relevée dans une lettre de lArgentier éveille la curiosité et suscite une dernière énigme : « Je scay bien que la conqueste du Saint Graal ne se peut faire sans moy. » La lettre est adressée à deux conseillers du Roi, de Montpellier, le 15 février 1447. Elle concerne les affaires, alors compliquées, de Gênes. Linterprétation la plus simple de cette allusion repose sur une tradition, fort en honneur en cette ville, selon laquelle le Graal serait une coupe démeraude, conservée à la cathédrale, le Sacro Catino. Sa conquête signifierait la domination sur Gênes. Mais Jacques Cur najouterait-il pas à cette signification symbolique toute la charge mythique du Graal ? » Michel Mollat ajoute, évoquant les rumeurs de pratique alchimique : « Dans sa génération, il en était qui, bien au-delà de lastrologie alors répandue, cédaient aux phantasmes de lésotérisme. Autour de Jacques Cur rôdaient des gens adonnés aux sciences occultes. Le rôle sinistre dOtto Castellani, qui voulut le faire envoûter, est connu. Certains croient que Jacques Cur lui-même pratiquait lalchimie. Une littérature, plus abondante que convaincante, lassure avec des arguments dont la démonstration demeure hypothétique. Pour avancer quil ait effectivement cherché la pierre philosophale, on a interprété, avec une certaine pertinence, il est vrai, quelques devises et symboles gravés dans la pierre des maisons de Bourges et de Montpellier, ainsi que certains reliefs et certaines scènes peintes sur les murs. Il y a peu de chances de trouver des preuves documentaires et lassimilation du Graal avec la pierre philosophale a été rejetée. » Il est étonnant de noter que cet historien, sans conteste le plus grand spécialiste de Jacques Cur, avide den éclairer les moindres aspects, na pas eu la curiosité daller plus avant dans ses recherches sur ce sujet. Sans aucun doute pense-t-il à Fulcanelli ou Eugène Canseliet en parlant de littérature plus abondante que convaincante, et dinterprétation donnée « avec une certaine pertinence, il est vrai ». Si ces interprétations ne sont pas convaincantes à ses yeux, elles le sont néanmoins pour des alchimistes opératifs. Il semble ignorer lexistence de la Bibliotheca Chimica de Pierre Borel qui représente en soi un élément documentaire important laissant lespoir aux chercheurs de retrouver un jour le manuscrit dalchimie transmutatoire de Jacques Coeur. Sil
est vrai que pierre philosophale et Saint Graal sont considérés
comme deux concepts différents, ils sont parfois assimilés
lun à lautre dans lesprit des alchimistes,
la pierre philosophale étant leur saint Graal. Nous retrouvons
avec le Graal et une étape de la Pierre Philosophale,
lévocation claire à lémeraude,
couleur à fort pouvoir évocateur chez les alchimistes,
témoin la Table dEmeraude, texte dHermès
Trismégiste, patron des alchimistes. N'oublions
pas la lettre de Jacques Coeur : "la quête du
Saint Graal ne se fera pas sans moi"... Cette affirmation
péremptoire m'a guidée pour faire de l'émeraude,
dans le roman que je lui ai consacré, la couleur (non
connue) des yeux du Grand Argentier.
Jacques-Henri BAUCHY « Jacques
Cur, roi sans couronne », Horvath, 1969, page
66 :
« On comprend que le marchand de Bourges ait fort
intrigué ses contemporains. Détranges bruits
circulaient à son sujet. Certains voyaient en lui un alchimiste
et prétendaient que, dans ses mines du Beaujolais, dans
le secret de ses hôtels, de ses châteaux, sous lalibi
de ses comptoirs, il recherchait la pierre philosophale. Folies
que tout cela, nous le savons maintenant. Mais de telles rumeurs
prouvent à quel point le personnage intriguait son siècle
et son pays. Encore vivant, Jacques Cur faisait corps avec
la légende. »
Georges BORDONOVE « Jacques
Cur et son temps », éditions Pygmalion,
1977, p. 75. Georges
Bordonove cite l'extrait de Pierre Borel sur l'immeuble de Montpellier
(voir ci-dessus et 12.BERNARD
CHAUVIERE),
qui habitait Montpellier et avait fait un travail de recensement
important des uvres alchimiques. A linverse de René
Bouvier, il commente :
« Nicolas Flamel passait, comme on sait, pour avoir
retrouvé la pierre philosophale qui convertissait le plomb
en or. Cétait un alchimiste, voilà, le mot
est lancé ! Jacques Cur fut, lui aussi, soupçonné
davoir possédé le fameux secret ; on
préférait expliquer sa rapide fortune de la sorte,
plutôt que de reconnaître sa supériorité
intellectuelle et son prodigieux labeur. Les tenants de lésotérisme
ont largement commenté le symbolisme des trois portails
décrits ci-dessus. Ils y ont vu la preuve, évidente
pour eux, de la qualité dAdepte de Jacques Cur.
On notera cependant que le soleil et la lune du premier portail
ont toujours été les signes héraldiques
du Languedoc et quils figuraient dans les sceaux des Comtes
de Toulouse avec la célèbre croix perlée. »
Page 76, lhistorien
reprend les différents symboles en donnant leur lien avec
lhéraldique « officielle »
:
« Jignore si le cerf ailé du troisième
portail symbolise « la matière des philosophes »,
mais je sais quil était le signe personnel de Charles
VI et de Charles VII. » Et peu après : « mais
lalchimie ajoutait aux crimes de Jacques Cur, en
tout cas le rendait suspect aux yeux de lEglise, ce qui
facilitait la tâche de ses détracteurs. »
Le
cerf ailé figure également, avec une biche pareillement
ailée, sur un bas-relief fleurdelysé de la salle
dapparat du palais Cur. Est-ce une référence
volontaire de Jacques Coeur au roi dit fou, mais bien alchimiste,
Charles VI et à son 5.
8. LA LETTRE
AUX ARQUEMIENS Dans
son livre « Jacques Cur et son temps »,
éditions Pygmalion 1977, page 139, Georges Bordonove évoque
un courrier écrit par le Grand Argentier. Jacques Cur
apprend quun receveur du baillage de Bourges paie
les soldats en fausse monnaie, il écrit au capitaine de
la ville de Saint Benoît une lettre lui demandant
dintervenir prestement :
« Monsieur de
Barbançoys, je me recommande à votre bonne grâce
autant que je peux, et vous plaise savoir quhier, après
vêpres, est par deça venu un inconnu, lequel a dit
quil voulait me parler, moyennant que je lui promettrais
de tenir sa parole secrète sans rien découvrir
ni révéler à personne vivante quelle
venait de lui ; auquel ayant prêté loreille,
il ma dit que le receveur des aides de Saint Benoît
avait accointance avec des arquemiens par le moyen desquels il
faisait écus dalchimie, quil employait au
paiement des gens darmes. Et avait déjà,
à la connaissance dudit qui en parlait, changé
cinq lingots qui nétaient point dor comme
il semblait, mais de laiton doré par ledit moyen dalchimie.
Et comme se devaient réunir ledit receveur et tous ensemble
avec lesdits alchimistes de nuit, en une hôtellerie dudit
Saint-Benoît où pend lenseigne de lhomme
sauvage ; et là se devaient changer encore
dautres lingots. Ce qui me fait vous mander par la présente
de faire épier et guetter ledit receveur et tous ceux
qui viendront en ladite hôtellerie, le faire arrêter
et conduire ce receveur à Bourges, afin denquêter
sur lesdites besognes. Et à cela ne devez en rien faillir,
car cest chose de grande utilité au service du Roy
notre sire. Jacques Coeur »
Sur ledit extrait, trois remarques simposent.
Premièrement,
si Jacques Cur est véritablement alchimiste, il
est logique quil cherche à entrer en contact avec
des « arquémiens », ne serait-ce
que pour sassurer que son secret est bien gardé ou
par curiosité pour ce que d'autres pratiquants pourraient
lui révéler. Cette démarche lui semble essentielle :
« cest
chose de grande utilité au service du Roy ».
Deuxièmement,
pour les véritables alchimistes en quête de pierre
philosophale, larquémie est considérée
comme une pratique vulgaire qui consiste à transmuter
les métaux vils en or. Il serait alors compréhensible
que Jacques Cur cherche à stopper des pratiques
« inférieures » à la noble
alchimie qui est consacrée à la recherche de la
Pierre Philosophale ou de la Médecine universelle, les
deux étant parfois confondues. Troisièmement,
quelle est la suite de cette intervention écrite de Jacques
Cur ? Larrestation a-t-elle lieu ? Que
deviennent ces arquémiens ? Quelles étaient
ses véritables motivations ? 10. LE LIVRE DE PIERRE DE JACQUES COEUR
s'inscrit
bien dans cette lignée. LA LANGUE DES OISEAUX Le langage des alchimistes,
ou Langue des Oiseaux, a un fondement symbolique tout en s'appuyant
sur des concepts religieux tout autant que philosophiques. Il
sexprime à travers des images et associations didées
pouvant être intégrées par le cerveau gauche.
Elle sadresse plus particulièrement à la
part intuitive de lêtre. Pourtant, elle a été
développée pour guider lopérateur
dans sa pratique, dans des actes bien concrets. De là
sans doute vient la difficulté à entrer dans ce
monde dit fermé où il faut sans cesse jongler avec
ces deux aspects. Un exemple simple est
celui du vaisseau ou nef. La première pensée est
celle des galées de Jacques Cur, donnée bien
concrète. La nef orientée est léglise,
par extension la direction vers laquelle on se tourne pour trouver
la lumière suivie. Le vaisseau désigne également
le vase dans lequel seffectue lopération alchimique,
cornue, matras ou creuset, selon la nature de la voie suivie
et le type de cuisson utilisé. Ce langage sexprime
également dans les livres de pierre et lart sous
toutes ses formes, incluant l'art du verbe et des devises bien
sonnées. Nous trouverons ces lignes directrices
bien présentes dans l'oeuvre de Jacques Coeur, puisque
c'est bien d'une oeuvre monumentale où règne l'alchimie
du mystère dont il s'agit. N'oublions pas l'une de ses devises, symbolisée
par "l'homme à la bouche fermée d'un cadenas",
parlante et hermétique tout à la fois : "EN CLOSE BOUCHE N'ENTRE MOUCHE". Elle s'enrichit au fil des visites du
palais de Bourges, de la loge aux musiciens de la salle d'apparat
au tableau extérieur du donjon représentant trois
arbres, en passant par le blason de Montpellier, de la devise
encore plus parlante : "DE MA JOIE
DIRE FAIRE TAIRE". 11. LE
CHEVALIER AU COEUR ET A LA COQUILLE La chevalerie
est une réalité du Moyen Age. Elle échappe
aux cadres matérialistes, préformés et limités
de notre culture ambiante. Sa dimension mystique appartient au
domaine de lintangible, de lindicible, de ce qui
ne se prouve pas, mais ne peut que séprouver dans
une conviction personnelle intérieure profonde. Cet esprit
animait Jacques CUR lorsquil écrivait : « la
quête du Saint Graal ne se fera pas sans moi ».
Par ces quelques mots, il sinscrivait dans la lignée
des légendes celtiques, du Roi Arthur et des Chevaliers
de la Table Ronde, des Croisés et Templiers partis en
Terre Sainte. En témoignent ses liens avec les Chevaliers
de Saint Jean de Rhodes, sa négociation pour leur libération
auprès de lEgypte, la Croisade de Calixte III quil
co-finance et co-dirige pour la libération des territoires
chrétiens. Toute sa vie et jusquà sa sortie
officielle de lHistoire, Jacques CUR reste
fidèle à la devise quil choisit lorsquil
est anobli en 1441 : « A
VAILLANS CUERS RIENS IMPOSSIBLE » Est-il
devise plus chevaleresque ? Sans doute est-ce cette qualité
qui lui fait recevoir avec faste dans son hôtel privé
de Montpellier le Chevalier Errant Jacques de Lalaing, de même
quil nhésite pas à avoir des échanges
avec les plus grandes têtes de son époque, des papes
aux rois, en passant par les sultans et les Chevaliers de Rhodes
dont il se fait des alliés. JACQUES
CUR ET JEANNE DARC En écrivant
« lhomme aux yeux démeraude, il
ma fallu « mettre les points sur les i »
pour comprendre le lien qui unissait ces deux êtres, même
si aucun échange de courrier entre eux ne venait en attester.
Comment cet homme aurait-il pu ne pas se sentir lié à
celle qui était venue les libérer ? Il
avait souffert de la guerre, participé à la fonte
des monnaies pour financer lépopée de la
Pucelle, sauté de joie à la libération des
territoires quil avait financée et dont il avait
adroitement profité. Peut-être même avait-il
accompagné son ami Ravand le Danois, Maître de la
Monnaie de Bourges, qui assistait au Sacre de Charles VII à
Reims. Il avait sans doute pleuré en apprenant la défaite
de Jeanne devant Paris, ses longs mois demprisonnement
et son bûcher. Peut-être même lavait-il
rencontrée lors du triste hiver quelle avait passé
à Bourges avant daccepter le calice que le Destin
lui tendait ? Bien quil ny ait aucun document
le prouvant, jai imaginé les rencontres entre Jeanne
dArc et Jacques Cur. Le rôle quils ont
tous deux joué dans la libération de leur pays
ne peut être que lexpression dun lien profond.
Quoi de plus chevaleresque, pour ces deux héros de notre
histoire nationale, que de faire don de soi, de sa vie et, pour
Jacques Coeur, de ses biens pour sauver son pays ? « Sire,
ce que jai est vôtre ». Charles VII lentend
si bien entendu quil trouve le moyen le plus radical pour
semparer des biens de son sujet, le crime de lèse-majesté.
Comme il avait abandonné Jeanne dArc à son
triste sort sans guère lever le petit doigt, il trahira
lhomme qui contribua grandement à le « bien
servir » et le porter au sommet du pouvoir. La première
qualité de chevalier que nous pouvons reconnaître
à Jacques Cur est bien celle dalter ego de
Jeanne dArc car il permit la libération du pays
en finançant la fin de la Guerre de Cent Ans. Nous pouvons
dire en ce sens quil continua et termina luvre
de Jeanne dArc. Dresser
un portrait du Chevalier Cur pose également la question
de lapparence, des capacités physiques et des tendances
psychologiques. Jacques Cur est resté
dans lHistoire par quelques descriptions, notamment celle
où il caracole à côté de Charles VII,
de Dunois et de Pierre Brézé en véritable
chevalier, lors de la libération de Rouen quil avait
largement financée. Il
passe sa vie à cheval, fait donc preuve dune vitalité
hors norme et dune volonté de méconnaissance
du danger. Il faut dire quil sait manier lépée
grâce aux leçons prises avec son Maître dArmes. Quoi
qu'il en soit, il est difficile de l'imaginer malingre, fluet,
timide et renfermé. Il est étonnant quaucun
portrait historique dépoque nait été
laissé à la postérité, suffisamment
réaliste pour connaître le véritable visage
du Grand Argentier. Le seul portrait
proche est celui de lenluminure représentant la
scène de « lamende honorable »
à genoux des Chroniques de Monstrelet. Existe-t-il un
portrait dans le Livre dHeures de la Stadtlieche Bibliothèque
de Munich dont il pourrait être lorigine et
où est représenté le dais de la façade
du palais avec une statue équestre de Charles VII ? Cela rappelle
lénigme Fulcanelli dont ni le visage, ni lidentité
à ce jour nont été révélés,
même par ceux qui lont approché de près. Jacques Cur,
par contre, a tenu à être représenté
sur les murs de son palais. Les personnages principaux sculptés
sur la façade extérieure du donjon représentent
Macée de Léodepart, son épouse, et lui-même
tenant un marteau, posant sur un rocher. Il montre là
limportance quil accordait à ses activités
dexploitant minier complémentaires de la Monnaie.
Certains diront que là encore lalchimie le motivait
car le rocher représente également la matière
première des alchimistes, extraite de la mine. Sest-il
fait représenter dans la fausse fenêtre de la façade
en frontispice ? Cest là un personnage au faciès
typiquement berruyer qui y est installé, guettant
le passant pressé. Il est
cependant deux pistes à étudier. Jacques-Henri
Bauchy, dans « Jacques Cur, roi sans couronne »,
éditions Horvath, 1988, écrit, pages 143, 144 : « Nous
savons quà léglise Saint Paul de Paris
une verrière, aujourdhui détruite, le représentait
aux côtés de Charles VII et de Jeanne dArc
et que, vers 1449, son fidèle ami, le pape Nicolas V,
envoya en France le peintre florentin Pietro della Francesca
afin dy portraiturer le roi et divers personnages de la
Cour, en témoignage de reconnaissance pour lextinction
du schisme occasionné par Félix V. Jacques Cur,
principal plénipotentiaire de lambassade qui avait
mis fin à ce schisme, était certainement lun
des modèles du peintre. Malheureusement, la toile qui
le représentait na jamais pu être identifiée. » Existe-t-il
des reproductions de la verrière de léglise
Saint Paul ? Il est logique
de penser que Nicolas V, en remerciement au succès des
négociations de Jacques Cur auprès de Félix
V, ait exprimé le souhait que son peintre réalise
le portrait de Jacques Cur, lami quil avait
hébergé dans ses appartements privés lors
de lambassade de Rome. Une étude exhaustive de luvre
du peintre florentin éclaircirait peut-être ce mystère. Il y a cependant
un détail de vitrail qui pourrait révéler
le visage du Grand Argentier. Il sagit du portrait serti
dans le pommeau de lépée de Sainte Catherine,
vitrail de lAnnonciation de la chapelle funéraire
de la cathédrale Saint Etienne, Bourges. Certains historiens
pensent quil sagit du portrait du maître verrier
qui a réalisé le vitrail. Si nous replaçons
ce détail dans le contexte des symboles alchimiques, il
peut aisément être rattaché à un portrait
de nature laiteuse, donc lunaire. Souvenons-nous que la Lune
est présente sur les murs du palais, sur les blasons de
sa chapelle, même les différentes phases de la Lune,
essentielle au processus alchimique. La position même sur
le pommeau de lépée porte un symbole, celui
du travail pyrique, de la transmutation par le feu. Il en est
de même de lattachement de Jacques Cur à
Sainte Catherine dAlexandrie, reconnue par les alchimistes
pour ses trois attributs, le livre, lépée,
la roue. Cest, là encore, un faciès qui semble
typiquement berrichon. Est-ce celui de Jacques Cur ?
Seule, une comparaison avec dautres portraits pourrait
éclairer ce visage dont les traits semblent fatigués,
torturés. Il rappelle le visage dune petite statue
de bois qui était autrefois visible au Musée Languedocien
de Montpellier, demeure de Jacques Cur, actuellement Hôtel
des Trésoriers de France. Cette statue portait la mention
« XVème siècle, trésor de Jacques
Cur » et représentait un homme montrant
son cur mis à nu dans une poitrine déchirée.
Il est dommage que ces deux portraits ne puissent être
comparés. Les activités
de Jacques Cur à Rhodes sont fondamentales dans
son histoire. Sous la protection
des Chevaliers Hospitaliers, protégés de la Reine
Yolande dAragon, il fond largent sorti illégalement
du royaume. Il protège à son tour les chevaliers
hospitaliers dans son intervention auprès du Sultan dEgypte
Les
chevaliers sont emprisonnés en Egypte. Jacques Cur
négocie et obtient la libération des dix
chevaliers de Rhodes retenus emprisonnés. Noublions
pas que les Hospitaliers de Rhodes ont hérité des
biens des Templiers. Curieusement, nous retrouvons la croix du Temple
dans luvre de Jacques Cur. Appartient-il à
lordre du Temple qui a continué malgré lextermination
de 1307 ? En 1318, lors du chapitre de Spoletto, 3000 chevaliers
du Temple sont rassemblés pour décider du devenir
du Temple et choisissent dexister dans le secret. Les Templiers
étaient réputés être alchimistes.
Ils possédaient les mines, contrôlaient le système
bancaire. Le Roi était leur débiteur. Parallèle
frappant avec Jacques Cur qui, comme eux, le paiera très
cher. Contrairement
aux idées répandues, lOrdre du Temple nest
pas mort. La rencontre de Spoletto, en Italie, en 1318,
rassemble trois mille chevaliers venus décider du devenir
de lordre. Deux factions sopposent. La première
demande vengeance. La seconde veut perpétuer lOrdre
du Temple dans le secret. Cette faction lemporte. Cétait
seulement un siècle avant Jacques Cur. Dans son
livre « Gilles de Rais et Jacques Cur »,
Roger Facom évoque lappartenance de Jacques Cur
à lOrdre Templier. Dans
Alchimie, page 271, Van Lennep évoque
le mouvement rosicrusien. Il développe : « Pour Fulcanelli, celui-ci
existait déjà au quinzième et au seizième
siècles, puisquil imagina que Jacques Cur,
Jean Lallemant et Louis dEstissac en étaient membres ». Certains écrits évoquent
lappartenance de Jacques Cur à une résurgence
de lOrdre Templier, notamment Roger Facon. Aucune archive
ne nous permet de laffirmer. Outre le parallèle
étrange, il faut bien le dire, entre le destin de ces
chevaliers et celui de Jacques Cur, regardons attentivement
quelques éléments de son uvre : Dans la chapelle funéraire que
Jacques Cur fit construire dans le fenestrage du Duc de
Berry, Cathédrale Saint Etienne, Bourges, deux vitraux
semblent perdus dans la richesse de la représentation
de lAnnonciation et des motifs majeurs. Font-ils partie
de l'ensemble commandité par Jacques Coeur ? Si oui, ils
sont révélateurs dune possible appartenance
à un ordre templier résurgent. Le premier vitrail rejoint le détail
de la scène de lathanor et du motif central de la
Loge aux musiciens, la croix templière. Là encore,
il s'agit de la croix la plus représentative du Temple.
Si nous en doutions, les neuf cloches centrales névoquent-elles
pas les neuf premiers Grands Maîtres de lOrdre Templier ? Le second vitrail présente une
blason complexe où se voient l'églantine, des cordes
entrelacées et une croix de Malte. Pour
conclure, là encore, tournons-nous vers de nouvelles questions ? A
une époque où les ordres de chevalerie fleurissent,
Jacques Cur insiste-t-il tant à représenter
la croix templière la plus figurative de lOrdre
du Temple parce quil en fait partie malgré la fin
reconnue et acceptée officiellement de cet ordre qui,
après le rassemblement de Spoletto, aurait continué
dans le secret ? Eprouve-t-il simplement pour cet ordre
chevalier un sentiment de sympathie tout particulier ? Comme
les Templiers, il répondra à lappel de Calixte
III pour co-financer et co-diriger la croisade de ce dernier
contre les Ottomans pour défendre la Chrétienté
en Méditerranée. Les
liens de Jacques Cur avec lOrdre des Chevaliers de
Rhodes ne sont plus à prouver. Bien que lHistoire
officielle insiste sur les rivalités ayant existé
entre les Chevaliers du Temple et les Chevaliers de Rhodes qui
héritèrent des biens saisis au Temple par lEglise,
parmi les Chevaliers de Rhodes se trouvait-il des Maîtres
Templiers ? Le
Mystère de la continuation de lOrdre du Temple dans
le secret na-t-il pas des résonances troublantes
avec la mort jamais prouvée du Chevalier au Cur
et à la Coquille étrangement disparu en Méditerranée ?12/ Bernard CHAUVIERE Comment parler
d'alchimie chez Jacques Coeur sans laisser parler un alchimiste
? La plus élémentaire des honnêtetés
est d'écouter, même si l'on ne veut pas entendre,
ce qu'un opératif actuel dirait sur ce sujet. Bernard Chauvière,
spécialiste professionnel de la dorure sur livres anciens
et érudit de nature, ne cache pas ses pratiques de la
Science d'Hermès. Il les expose dans l'ouvrage : "Parcours
alchimique à l'usage d'un opératif", éditions
Liber Mirabilis, Londres, 2000. Il y révèle également
ses liens personnels avec celui qu'il considère comme
son maître à penser et pratiquer, Eugène
Canseliet. Comme lui, Bernard Chauvière s'est particulièrement
intéressé à Jacques Coeur. Il décrit
longuement les figures hiéroglyphiques de l'hôtel
Jacques Coeur à Montpellier. Il écrit,
tout spécialement à l'intention des Amis de Jacques
Coeur, et commente l'extrait de Pierre Borel déjà
cité dans LES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES: "La qualité
d'alchimiste de Jacques Coeur ne saurait être mise en doute
au vu des sculptures symboliques du palais de Bourges et de la
description de l'ornementation d'une de ses possessions à
Montpellier par Pierre Borel dans l'ouvrage intitulé : "TRESOR
DE RECHERCHES ET ANTIQUITEZ GAULOISES ET FRANCAISES", Paris, 1655,
page 127 : "On y voit , écrit Pierre
Borel, trois portails faits en forme de fourneaux, comme ceux
de Nicolas Flamel. A lun il y a, dun côté,
un soleil plein de fleurs de lis et de lautre une lune
pleine aussi de fleurs et de lis, et entourée dune
couronne dépines, qui semblent dénoter la
pierre solaire et lunaire venues à leur perfection. A
lautre portail, on voit dun côté un
arbre fruitier, ayant au pied des branches de roses, et dudit
arbre pendant les armes de Jacques Cur dans un écusson ;
de lautre côté, il y a le caractère
chimique du soleil. "Quoi de
plus alchimique, renchérit Bernard Chauvière ?
Ajoutons qu'aujourd'hui encore, rue Jacques Coeur, à Montpellier,
l'amateur de la science hermétique peut admirer un portail
symbolique que nous avons analysé dans notre ouvrage "Parcours
alchimique à l'usage d'un opératif". David
de Planis Campy cite également Jacques Coeur comme possesseur
de la pierre au blanc permettant la transmutation des métaux
vulgaires en argent. "Quant au
palais Jacques Coeur, nous ne pouvons, après Fulcanelli,
que déplorer le vandalisme des siècles passés
qui nous prive aujourd'hui de ce qu'il décrit comme un
véritable musée d'emblèmes hermétiques.
Il reste toutefois suffisament de sculptures pour nous permettre
d'imaginer la magnificence de la demeure de Jacques Coeur au
XVème siècle. "Pour nous,
il est pratiquement certain qu'une partie de la fortune de Jacques
Coeur était issue de sa pratique alchimique. Comme le
signale Eugène Canseliet, "dès que Jacques
Coeur eût chassé les Anglais de la Normandie sous
le poids de son numéraire - cent mille écus d'or
-, il fut arrêté et envoyé en prison au château
de Lusignan en Poitou". Charles VII le "bien servi"
avait décidément une bien curieuse façon
de remercier ses serviteurs !." Bernard Chauvière,
Mouans Sartoux, le 3 Septembre 2005, pour les Amis de Jacques
Coeur. En lan
de grâce 2000 après J.C., Bourges et les Amis de
Jacques Coeur fêtaient le 600ème anniversaire
de la naissance du Grand Argentier. Je rédigeai en quatre
mois « lhomme aux yeux démeraude »
après quinze années de recherche sur la vie fabuleuse,
jamais épuisée de cet homme qui, depuis que jétais
enfant, minterpellait. Cette même année, Bernard
Chauvière écrivait son aux éditions
Liber Mirabilis, consacrant une page aux figures dites hiéroglyphiques
de Montpellier. Bien que la date exacte de Jacques Cur
ne soit pas connue, depuis cette année 2000, lintérêt
du public pour cette figure de proue du quinzième siècle
français ne cesse de croître. Bernard Chauvière
cite, en frontispice de son ouvrage, Fulcanelli : « Celui
qui craint le labeur manuel, la chaleur des fourneaux, la poussière
du charbon, le danger des réactions inconnues, et linsomnie
des longues veilles, celui là ne saura jamais rien. » Nous sommes
donc prévenus par le titre et la citation, lécrivain
pratique bel et bien la « philosophie hermétique »,
comme se plaisent à la nommer ses praticiens. Page 55,
la planche 17 présente lillustration des figures
dites « hiéroglyphiques » réalisée
au fusain par lauteur. Cet ensemble de figures décore
lun des piliers soutenant les croisées dogives
du couloir dentrée de lHôtel Jacques
Cur de Montpellier. Cette bâtisse située rue
Jacques Cur, rebaptisée Hôtel des Trésoriers
de France, appartient de nos jours à la Société
Archéologique de Montpellier et abrite le Musée
Languedocien. Il est fort dommage que lexposition réalisée
par le musée en 2004 sur le thème « vivre
au palais au Moyen Age » ait oublié de consacrer
un panneau à son illustre possesseur et restaurateur.
Pouvait-on trouver meilleure référence que cette
vie au palais à cette période ? Réminiscence
peut-être du procès dans lequel les Montpelliérains
ont fait payer à Jacques Cur le fait quil
les ait abandonnés pour le port provençal !
Je regrette encore que le petit homme de bois déchirant
sa poitrine exposé au Musée Languedocien au début
des années 90 comme ayant appartenu au trésor
de Jacques Cur, longuement décrit dans « lhomme
aux yeux démeraude », là encore,
nait pas été présenté au public
lors de cette exposition par ailleurs très attrayante
et bien documentée. Voici
comment Bernard Chauvière, sadressant à des
alchimistes, pages 53 et 54, présente lensemble alchimique
de Montpellier: « Revenons
à la maison renaissance de Beaulieu afin de nous intéresser
à cette jeune femme représentant la matière
de luvre : la vierge minérale. Détail
simplifié et important, le drap dont elle se protège
affecte la forme du signe de la précipitation, précipitation
dont le résultat est signalé par le visage solaire.
Cela signifie, plus précisément, la matérialisation
du petit soleil minéral, de cette rémore qui amènera
lalchimiste à la pierre philosophale. Cette phase
délicate du second uvre est précédée
des sublimations, auxquelles semble se rapporter la représentation
suivante sculptée sur les chapiteaux de trois colonnes
supportant une ogive suffisamment haute pour laisser passer un
homme à cheval (planche 17). "Ces
sculptures se situent rue Jacques Cur, à Montpellier,
en un bâtiment ayant été construit par le
Grand Argentier. Un dragon ailé pointe sa langue fléchée
vers le visage dune femme au corps de poisson quelle
partage avec un homme barbu. A lextrême
gauche, un étrange oiseau (planche 18), au corps massif,
à la queue de saurien, les ailes déployées,
semble prêt à prendre son envol. Son regard, étonnamment
fixe, nous désigne les piliers de langle opposé,
où se trouve gravé le blason de Jacques Cur,
soutenu de part et dautre, par deux jeunes gens, eux-mêmes
entourés par un phylactère sur lequel se lit la
devise suivante : "A
VAILLANS CUERS RIENS IMPOSSIBLE" "DE
MA JOIE DIRE, FAIRE, TAIRE". "Les
ailes à demi déployées de notre oiseau alchimique
semblent bien sapparenter à celles dun aigle.
Le résultat de lopération ne peut saccomplir
sans le secours du lion vert et du lion rouge représentés
sur notre sculpture par les deux faces léonines. "Le
mercure issu de la terre contient en lui les particules purissimes
du soufre. Suivant lenseignement dEugène Canseliet,
« le soleil, or philosophique, sec, sulfureux et fixe,
a pris les ailes propres à la volatilité mercurielle
et sélève de londe à laquelle
il doit ses nouvelles qualités ». "Cette
phrase du maître ne sapplique-t-elle pas, en tous
points, à la représentation symbolique du Grand
Argentier de Charles VII, qui nous démontre encore ici
tout son savoir ? "Un
dernier détail, avant de quitter la demeure montpelliéraine
de Jacques Cur, retient notre attention. A langle
formé du mur de soutènement et du pilier, dirigeant
son regard vers la porte dentrée, une chouette veille
sur les vestiges de lalchimique maison et toise les postulants
au grand uvre. » Bernard
Chauvière, in "Parcours alchimique à l'usage
d'un opératif". Dans la revue
Micrologus, spécialisée dans les sujets médiévaux,
Brepols ed., 1995, Christian de Merindol consacre quelques pages
à "la légende
ésotérique" de Jacques Coeur. Il constate tout d'abord
deux attitudes des historiens, "la
réserve ou le silence". Il analyse ensuite les références
historiques relevant de l'un et de l'autre discours. Ces références
apparaissent dans l'ensemble dans les pages de ce travail réalisé
pour les Amis de Jacques Coeur. Nous noterons donc particulièrement
les références nouvelles. Page 263 à
269 : premier discours sur Jacques Coeur et l'alchimie : le silence. Page 269 : second
discours sur Jacques Coeur : l'apparition d'activités
alchimiques. Ce second discours
apparaît dès la première moitié du
XVIème siècle, Il cite "un recueil de recettes du XVIème
siècle mentionnant plusieurs recettes de "Jacobi
Cordier, civis Bituricensis". Orléans, Bibl. Municipale,
ms 291, fol. 105-164. Des textes le précédant sont
accompagnés des dates de 1516 et 1517. S'agit-il réellement
de Jacques Coeur ? Quelle est la nature de ces "recettes"
? S'il s'agit d'alchimie, s'agit-il de la "Voie sèche",
de la "Voie humide", de spagirie ? Il cite également,
p. 269/270, André Thevet, in La cosmographie universelle,
Paris, ed. Huillier et Chaudière, 1575 : "Jacques Coeur a esté
plus de vingt ans à faire la Pierre Philosophale et y
oeuvra si bien qu'il se fit l'un des grands seigneurs de sa ville,
lui qui n'était rien au commencement." Il continue,
p. 270, avec la mention pour la première fois par François
Garrault, en 1579, du terme "hiéroglyphes" employé
pour décrire les motifs décoratifs du palais de
Bourges. "Ses propos, ajoute-t-il,
sont connus grâce à Gobet. (F. Garrault, des mines
d'argent trouvées en France, 1579, in Gobet, Paris, 1779,
Les anciens minéralogistes du royaume de France). Selon
François Garrault, présenté comme un minéralogiste,
la fortune de Jacques Coeur est fondée sur l'exploitation
de ses mines." Même page,
Mérindol cite F. Garrault : "Les chimistes doivent
apprendre avec plaisir que Jacques Coeur ne fut qu'un grand minéralogiste
et que cet homme si célèbre et si malheureux n'eut
d'autre Pierre Philosophale que l'exploitation des mines et la
métallurgie qu'il introduisit avec succès dans
le royaume. Les mots "faire, dire, taire" qui étaient
sa devise ne peuvent expliquer aucune opération de chimie
; les hiéroglyphes de ses maisons de Bourges, Montpellier,
N.D. de Loches, sont des emblèmes de sa vie et de ses
actions. Il y a peut-être des choses relatives aux mines,
par exemple la statue qui le représente sur un mulet ferré
à rebours, mais c'est un conte répété
à la Croix-aux-mines, et qu'on attribue à un Maître
des Mines de cet endroit qui se sauvoit ainsi pour détourner
les traces de sa fuite lorsqu'on lui annonça une découverte
d'argent massif, qui l'enrichit dans un instant : en reconnaissance,
il fit fondre une grosse cloche qui existe dans la Paroisse de
ce lieu. Ces emblèmes sont des signes qui démontrent
que les mystères des anciens Chimistes annoncent des opérations
très communes, très simples et qui viennent de
la même tradition dans toute l'Europe." Revenons sur
les commentaires de F. Garrault sur la devise "faire, dire,
taire". Elle est à compléter par "de
ma joie" qui donne alors un éclairage tout à
fait alchimique. L'alchimie est bien une joie que l'on tait,
surtout devant les dangers évoqués dans 2. LE TRISTE
SORT DE L'ALCHIMISTE DE BARGEMON". Bernard CHAUVIERE, dans
HISTOIRE MEDIEVALE de février 2004, page 37, développe,
montrant combien cette devise est parlante et précieuse
aux opératifs. Pour conforter
par contre la remarque de F. Garrault, la représentation
de Jacques Coeur sur la façade du donjon, posé
sur un rocher et tenant une masse en main, indique combien la
mine est importante à ses yeux, tout autant qu'elle l'est
à des alchimistes véritables qui l'ont longuement
illustrée, paraphrasée, symbolisée, comme
la matière première qu'ils viennent y chercher. Au XVIIème
siècle, Merindol cite David Plany-Campy et la Biblioteca
Chimica de Pierre Borel, parue en 1656, notant un manuscrit de
"chymie transmutatoire" de Jacques Coeur trouvé
dans une bibliothèque de D. de Rudeval, Sénateur"
: Page 271 : "D. de Planis-Campy,
L'ouverture de l'Escole de Philosophie transmutatoire métallique,
ou la plus saine et véritable explication et consiliation
de tous les stiles desquels les philosophes anciens se sont servis
en traictant de l'oeuvre Physique sont amplement déclarées,
Paris 1633." "Iacques Coeur, cuius
MS. de chimia transmutatia estrat Monspelii Senatoris, Gallia
COnscriptum, in Bibliotheca D. de Rudavel Senatoris". Page 272 : Concernant
le manuscrit ci-dessus : "Une pratique de chimie
avec l'explication des hiéroglyphes par Jacques COeur
était prévue : "Eiusd. Hyeroglyphicorum explicatuionem,
et practicam quemdam, Brevi lucem Mittam". Un manuscrit,
commente Merindol, accompagne fréquemment l'attribution
d'activités alchimiques. Dans un texte paru l'année
précédente, Pierre Borel décrit les "figures
hiéroglyphiques" des portes de la Grande Loge de
Montpellier qui a été construite par Jacques Coeur." Il s'agit de
l'extrait du Trésor des Antiquitez Françaises et
Gauloises cité par ailleurs : 7.
AUTRES REFERENCES,
et 12.
BERNARD CHAUVIERE. Nous avons par
ailleurs développé les autre sujets sur lesquels
nous reviendrons ultérieurement pour mieux les compléter. La conclusion,
page 278, est fort étonnante. Merindol, malgré
les références qu'il cite, réfute à
Jacques Coeur la qualité d'alchimiste, rejoignant en cela
une forme insidieuse de silence, ignorant même le manuscrit
cité par Pierre Borel sous couvert qu'il n'ait jamais
été retrouvé. "A l'issue de cette étude,
en retenant les trois aspects du concept médiéval
de l'alchimie, selon Robert Halleux, l'art et la science de la
transmutation des métaux, la philosophie naturelle qui
commande et justifie la pratique transmutatoire et la doctrine
médicale, rien ne permet d'y associer Jacques Coeur. Malgré
quelques fascinations pour la culture nobiliaire, les qualités
de l'homme... paraissent éloignées du monde de
l'ésotérisme : un homme d'entreprise qui a le sens
réaliste des opportunités et qui a laissé
peu de traces d'une activité de lecteur ou de bibliophile.
Dauvet n'a relevé que quelques livres d'heures. En revanche,
l'emblématique et la thématique, sur lesquelles
s'appuient les lectures alchimiques, ont été particulièrement
sollicitées pour honorer le roi et magnifier le monde
auquel appartenait Jacques Coeur, en un système parfaitement
clair et cohérent, à l'image des usages des cours
princières de l'époque." Christian de
Merindol est surprenant. L'art de transformer les métaux
est l'une des lignes directrices du Grand Argentier Monnayeur
Maître Minier. La philosophie naturelle est inscrite dans
son LIVRE DE PIERRE et les bestiaires gravés sur ses cheminées.
Que vient faire ici la doctrine médicale sinon comme argument
contre un Jacques Coeur non alchimiste, car non médecin
? Rien. Par ses amitiés
avec le Pape bibliophile, Nicolas V, à qui, dit la tradition,
il aurait rapporté des manuscrits anciens d'Orient, par
les nombreux livres et lecteurs gravés sur ses murs (Même
Marie tient un livre ouvert sur le vitrail de sa chapelle funéraire),
par la finesse de l'art représenté et des thèmes
évoqués, Jacques Coeur, malgré la contestation
de l'origine du Livre d'Heures de Munich, a largement prouvé
son intérêt pour l'art du livre. Son palais de Bourges
est un digne continuateur de la grande tradition des Cathédrales
livres de pierre. Même ses
associés possédaient un livre d'heures, témoin
celui de Simon de Varye. Le "maître" aurait-il
fait moins que l'associé ? Le sujet des livres d'heures
de Jacques Coeur est encore à ce jour à étudier. Par ailleurs,
son esprit chevaleresque et les choix faits de servir son pays
dans la continuité de l'oeuvre de Jeanne d'Arc prouvent
bien qu'un simple sens opportuniste ne le guidait, témoin
également l'amitié sans faille que lui ont gardé
ses associés et son choix de partir défendre la
Chrétienté. Merindol avoue
tout de même que l'emblématique et la thématique
reconnues dans les lectures alchimiques ont été
"particulièrement sollicitées" par Jacques
Coeur. il réduit tout simplement leur emploi à
des usages courants pour honorer le roi et le monde auquel il
appartenait. Jacques Coeur nous prouve le contraire par l'emploi
seul d'une devise on ne peut plus intimiste : "de ma joie,
dire, faire, taire". Cela ne l'empêche pas bien sûr
d'employer également les thèmes royaux pour exprimer
son respect, le lys, les cerfs par exemple. Au contraire, il
a utilisé des thèmes qui lui étaient chers,
comme le roi découronné, symbole alchimique s'il
en est, non pour faire plaisir à son souverain, et sans
tenir compte du fait qu'ils pouvaient mettre sa vie en danger,
tout simplement parce que ses motivations intérieures
étaient plus fortes que la réalité. La suite
l'a prouvé. Il est évident,
pour contredire Mérindol, que la suite de son histoire
a montré que Jacques Coeur n'a jamais vraiment appartenu
au monde qui gravitait autour de la royauté. Il était
d'origine modeste devenu bourgeois commerçant. Rien que
le fait de commercer en faisait un "paria" aux yeux
de la Noblesse, son anoblissement en 1441 n'y a rien changé.
Seul, l'argent qu'il gagnait trouvait grâce auprès
de ceux qui en profitaient tout en le recevant comme un camouflet,
Nobles et famille royale confondus. Autre preuve, ils le lui
ont fait cher payer ! Pouvons-nous
répondre à la question « Jacques Cur
était-il alchimiste » dune manière
péremptoire ? Sûrement pas. En essayant de
pénétrer dans la pensée alchimique, la difficulté
majeure est que le langage employé décrit un monde
qui, non seulement nous est inconnu, mais possède, de
plus, une double signification. La première signification
est de type exotérique, elle est compréhensible
à tout un chacun, évocation de la nature, arbres,
fleurs, etc., ou évocation religieuse en particulier.
La seconde signification est de type ésotérique
ou hermétique, fermée à certains. Elle nest
compréhensible quà celui qui pratique et
sappuie donc sur lexpérience ou à celui
qui accepte de faire fonctionner la part intuitive, symbolique
de la pensée. Aujourdhui,
les spécialistes du cerveau reconnaissent à lêtre
deux polarités cérébrales, part masculine
et part féminine, un peu comme la matière philosophale
des alchimistes. Part masculine, le coeur. Part féminine,
la coquille. Les fonctions du cerveau gauche sont dévolues
en particulier au traitement des données de la vie concrète :
logique, raisonnement, analyse, situation dans lespace,
sciences concrètes, etc. La voie de laction en quelque
sorte. La partie droite concerne plus particulièrement
la vie intérieure, intuitive, affective, lesprit
qui tend à réunir, synthétiser, le monde
de l'abstrait, la voie du sentiment et du monde non pesé,
non délimité. Pour
approcher l'alchimie, il faut accepter d'unir en nous ces deux
polarités. Ce qui n'est pas facile car tout, dans notre
monde moderne, nous pousse à privilégier le cerveau
gauche, matériel et concret. Quoi qu'il en soit, l'Alchimie est dans
lair de Bourges, elle circule dans les couloirs des palais
où se promènent les initiés aux mystères
de lart dit royal. Elle y a même une rue. Plus avant
dans le temps, laura de lalchimie colore la vie secrète
du Grand Argentier de Charles VII dun voile de mystère,
comme la magie du métal en fusion éclaire les différents
aspects de sa fabuleuse ascension. Dans
cette voie parcourue au fil des ans pour comprendre qui était
Jacques Coeur, jai trouvé une infinité de
chemins menant les uns vers les autres avec une intelligence
savamment orchestrée, chemins ou signes reliés
les uns aux autres, séclairant les uns les autres.
Certains penseront que ce faisceau de convergences nest
dû quau hasard. Peut-être ont-ils raison. Pour
ma part, je ne crois plus au hasard depuis longtemps. Je vous
laisse décider. Mon but ici n'était pas de vous
convaincre, mais dinciter dautres personnes à
chercher, encore chercher, dans le livre du temps, comme les
alchimistes doivent lire et relire sans cesse les anciens traités. A lathanor, conclurons-nous sans
clôturer, il nest pas de fumée sans feu. Quoi
quil en soit, les frémissements du métal
en fusion jettent sur la vie de Jacques Cur, monnayeur
royal, un voile de mystère que personne na encore
levé et qui dépasse largement le cadre de la fonte
des monnaies. Il ne nous reste plus quà partir en
quête du manuscrit transmutatoire de Montpellier. Jacques
Cur aura-t-il jamais fini de nous révéler
ses secrets ?
ET SI VOUS NOUS DONNIEZ
VOTRE
AVIS SUR LA QUESTION ? LHOMME
AUX YEUX DEMERAUDE, impressions dun lecteur. EN
SAVOIR ENCORE PLUS : sur
l'alchimie et Jacques Coeur En savoir plus sur ce sujet : http://www.khepera.tm.fr |