Jacques Coeur alchimisteRETOUR ACCUEIL
 JACQUES COEUR DE BOURGES

JACQUES COEUR, ALCHIMISTE ?

PAR JOËLLE OLDENBOURG

Ceci est un dossier complet réalisé par Joëlle Oldenbourg qui a beaucoup travaillé sur la question des liens entre Jacques Coeur et l'alchimie, et aussi sur la mort de l'Argentier. Ses recherches sur le mystère de Cuers et de Jacques Coeur est toujours à élucider.


JACQUES CŒUR ET L'ALCHIMIE

Lorsque les Amis de Jacques Cœur m’ont demandé de rédiger un article sur Jacques Cœur et l’Alchimie dans la continuité de l’article écrit pour Histoire Médiévale de février 2004, j’ai hésité. Mes deux ouvrages, «Jacques Cœur,  l’homme aux yeux d’émeraude » et « d’alchimique mémoire, Jacques Cœur »  avaient pris en compte cette réalité qui échappe aux poids et mesure de la raison froide en intégrant la dimension alchimique du  chevalier au cœur et à la coquille. Cela n’est pas toujours bien perçu. La fin du vingtième siècle et le début du vingt-et-unième siècle français ont vu s’installer un état de fait prônant le bannissement de certaines activités d’orientation symbolique, fait relevant de ce que Louis Pauwels appelait « la bataille de l’esprit fermé contre l’esprit ouvert ».  Dans cette chasse à la sorcière,  l’alchimie occupe une place de choix. Ecrire sur le sujet pour le web était donc retourner le couteau dans la plaie. Refuser de revenir sur ce sujet était ne pas saisir la chance qu’un groupe de personnes, fermement guidées par le souhait d’une connaissance élargie du Grand Argentier, m’offraient pour approfondir cette facette mystérieuse de sa vie. Les Amis de Jacques Cœur m’invitaient à m’exprimer au nom du regard tout simplement attentif et aimant de l’amitié. Avant donc de développer ce thème qui est l’un de mes sujets préférés, écoutons Bernard Méheust, professeur de philosophie, dans un article de VSD sur les recherches officielles sur le « paranormal », hors série Juillet 2003, page 54 :

« S’il était encore besoin de le démontrer, le succès du livre d’Henri Broch et de Georges Charpak, «devenez savants, devenez sorciers », Odile Jacob, 2002, en fournirait la preuve : on peut réfuter la métapsychique sans risquer d’être contredit. Cet ouvrage a beau s’être vendu à 230.000 exemplaires et avoir été salué comme une contribution importante à la prophylaxie sociale, il demeure creux à mes yeux. Rares sont les commentateurs (hormis Michel Polac) à s’être élevés contre l’ouvrage. Les contradicteurs suffisamment informés se sont raréfiés ou n’ont plus droit au chapitre. Du coup, les règles du débat d’idées, fondé sur l’information et l’argumentaire, peuvent être piétinées en toute impunité. Comment une question qui, au début du vingtième siècle, passionnait les plus grands esprits, a-t-elle pu à ce point s’évanouir de la conscience collective et du débat public ? »

 Pourquoi cette citation ? Parce que l’alchimie est une métapsychique aussi bien qu’une métaphysique, une pratique unissant physco-chimie, religiosité et pensée symbolique. Nous retrouverons ce triple concept dans les livres de pierre qu’ont laissé les grands alchimistes. En ce sens, Jacques Cœur n’a pas dérogé à la règle du ternaire dans les signes qu’il a laissés dans la pierre. A ce jour, aucune preuve écrite de sa pratique alchimique n’a été retrouvée. Tentons cependant d’écouter les signes matériels  et le faisceau de convergences qu’ils semblent constituer en gardant l’esprit ouvert dans une volonté de synthèse et d’acceptation d’une pensée bien loin des limitations matérialistes de notre modernité.

 Sans vouloir paraphraser Michel Mehust, comment l’alchimie, qui a toujours passionné les grands esprits, comme Newton qui l’a pratiquée, et marqué notre inconscient collectif, peut-elle à ce point être bannie, lorsqu’elle n’est pas soupçonnée de sorcellerie, au point de faire tendre à disparaître ou se cacher les travaux qui permettent d’en comprendre l’intérêt ? D’une belle utilité serait la grande moralité qui ressort des textes que les alchimistes ont laissés. Notre monde moderne en rupture de spiritualité aurait de quoi s’en inspirer ! Sa citation exprime bien la dichotomie dans laquelle se trouve notre société en ce qui concerne les choses de l’Esprit dont l’alchimie fait partie. De là sans doute vient le peu de place accordée à ce sujet épineux dans les ouvrages modernes consacrés à Jacques Cœur, alors que son lien avec l’alchimie est évoqué régulièrement dans le passé. Pour traiter le sujet exhaustivement, un tour d’horizon s’impose sur les différents écrits établissant un lien entre Jacques Cœur et l’alchimie.

 Tout d’abord, soyons clairs. Il faut souligner le manque d’empressement des alchimistes eux-mêmes à étaler ce sujet qui pouvait mettre leur vie en danger, sauf lorsqu’ils trouvaient protection auprès d’un souverain assez éclairé pour leur épargner certain désagrément. De nombreux alchimistes ont péri dans les antres sombres du pouvoir, raison du silence posé sur ces pratiques devenues secrètes par nécessité. Ceux qui n’ont pas respecté la loi du silence et du secret, l’ont chèrement payé.

Curieusement, s’il ne s’était enfui de la prison de Poitiers en  Octobre 1454, c’est ainsi que Jacques Cœur aurait fini. Face à ce péril, par prudence et nécessité, seuls les livres de pierre, les devises et les symboles parlaient clairement. La création architecturale du Grand Argentier de Charles VII semble s’inscrire dans cette tradition. Les symboles qu’il fit sculpter dans ses créations de Bourges et Montpellier évoquent la lignée de la Voie Sèche telle qu’elle fut présentée par  3. FULCANELLI  et  4. EUGENE CANSELIET. Tous deux étaient convaincus que Jacques Cœur était alchimiste et que là était l’origine véritable de son immense fortune, son « royal gardon » ou royal salaire, d’où peut-être les étranges vitraux quadrilobés au sigle R.G. (qui évoque également la matière première de cette voie) de sa sacristie privée, cathédrale Saint Etienne, et les tapisseries tissées de R.G. qu’il affectionnait au point de les emporter à Rome lors de son ambassade.


3. FULCANELLI

Fulcanelli est sans aucun doute l'alchimiste qui, au vingtième siècle, qui a le premier mis l'accent sur les liens de l'œuvre artistique de Jacques Cœur avec l'alchimie. Les deux livres dans lesquels il décrit certaines représentations de Bourges, " les demeures philosophales " et " le mystère des cathédrales ", sont consacrés à la tradition iconographique de cette pratique hermétique sous ses différents aspects. Son disciple, Eugène Canseliet, a continué cette voie et s'est également intéressé à Jacques Cœur dont il a souvent parlé dans ses livres, mais également dans la revue Atlantis.

LES DEMEURES PHILOSOPHALES, Editions Pauvert, 2001

Vol. I, page 358, Fulcanelli évoque l'appartenance de Jacques Cœur à l'Ordre de la Rose-Croix dont certains adeptes, comme les Templiers, pratiquent l'alchimie :

" Les véritables Rose-Croix… ne craignent point d'être jamais connus, pas même de leurs confrères. Quelques-uns, pourtant, occupèrent de brillantes situations : d'Espagnet, Jacques Cœur, Jean Lallemant, Louis d'Estissac, le Comte de Saint Germain sont de ceux-là ; mais ils surent si adroitement masquer l'origine de leur fortune que nul ne sut distinguer le Rose-Croix sous les traits du gentilhomme. "

Vol. II, pages 177, 178 Illustration des trois arbres, tour du palais Jacques Cœur, Bourges. Planche XXXV. Fulcanelli le présente comme " l'engagement secret ".
Pages 216 à 218, Fulcanelli commente le panneau de pierre :

" Le palmier et le dattier, arbres de la même famille, étaient connus des Grecs sous le nom de Phoenix, qui est notre phénix hermétique ; ils figurent les deux magistères et leur résultat, les deux pierres blanches et rouge, lesquelles n'ont qu'une seule et même nature comprise sous la dénomination cabalistique de phénix. Quant au figuier occupant le centre de la composition, il indique la substance minérale d'où les philosophes tirent les éléments de la renaissance miraculeuse du phénix, et c'est le travail entier de cette renaissance qui constitue ce que l'on est convenu d'appeler le Grand Œuvre… Ces différents éléments se rapportent parfaitement au " sujet des sages " et à la technique de " l'art bref " que Jacques Cœur paraît avoir pratiquée. "

Les paragraphes suivants évoquent clairement les figures hiéroglyphiques d'un des piliers sur croisées d'ogives de l'entrée de l'hôtel Jacques Cœur, à Montpellier (de nos jours Hôtel des Trésoriers de France, qui abrite le Musée Languedocien), ainsi que le thème du chêne souvent repris par le Grand Argentier et le fou de la scène de Tristan et Yseult, chambre du trésor, palais de Bourges :

" En effet, lorsque l'artiste, témoin du combat que se livrent le rémora et la salamandre, dérobe au monstre igné, vaincu, ses deux yeux, il doit ensuite s'appliquer à les réunir en un seul. Cette opération mystérieuse, facile toutefois pour qui sait utiliser le cadavre de la salamandre, fournit une petite masse assez semblable au gland du chêne… Cela nous fournit l'explication du gland et du chêne, que l'on rencontre presque toujours dans l'iconographie hermétique ; du cœur, des figues, du figuier de Jacques Cœur ; du grelot, accessoire des marottes de fous, des grenades, poires et pommes… "

Un passage retient l'attention et donne un sens à un détail du balcon de la loge aux musiciens, représentation d'un aigle passé inaperçu du visiteur pressé :

" L'œuf du phénix qui est notre œuf philosophique. C'est lui qui reproduit l'aigle fabuleux d'Hermès, au plumage teint de toutes les couleurs de l'œuvre, mais parmi lesquelles domine le rouge. "

LE MYSTERE DES CATHEDRALES

Dans cet ouvrage, à partir de la page 175, Fulcanelli reprend certains éléments des deux monuments les plus intéressants de Bourges au point de vue iconographie alchimique : le palais Jacques Cœur et l'Hôtel Lallemant.

" Bourges, vieille cité berrichonne, silencieuse, recueillie, calme et grise comme un cloître monastique, déjà fière à juste titre d'une admirable cathédrale, offre encore aux amateurs du passé d'autres édifices également remarquables. Parmi ceux-ci, le palais Jacques Cœur et l'Hôtel Lallemant sont les plus purs joyaux de sa merveilleuse couronne. Du premier, qui fut jadis un véritable musée d'emblèmes hermétiques, nous dirons peu de choses… "

Tout au long des pages 178 à 182, Fulcanelli développe certains éléments du palais Cœur. Nous ne reprendrons que quelques courtes citations, nous étant inspirés dans nos deux livres de ce travail, comme de celui d'Eugène Canseliet. Bien que certains passages soient cités dans ( LIEN) LE LIVRE DE PIERRE DE JACQUES CŒUR, nous ne pouvons qu'inciter le lecteur intéressé à partir lire à la source.

Page 178 :

" Jacques Cœur, grand argentier de Charles VII, qui fit construire la demeure au quinzième siècle, eut la réputation d'un adepte éprouvé. David de Planis-Campy (médecin de Louis XIII) le cite en effet comme possédant " le don précieux de la pierre au blanc ", en d'autres termes de la transmutation des métaux vils en argent. D'où peut-être sa qualité d'argentier. Quoi qu'il en soit, nous devons reconnaître que Jacques Cœur mit tout en œuvre pour accréditer, par une profusion de symboles choisis, sa qualité vraie ou supposée de philosophe par le feu. "

Plus loin, évoquant le blason et la devise du Grand Argentier, il ajoute :

" Notre conviction est donc que Jacques Cœur a pratiqué lui-même l'alchimie, ou du moins qu'il a vu élaborer sous ses yeux la " pierre au blanc " par le fer " essencifié " et trois fois cuit. "

Il est certain que l'argent a été le fil directeur de la vie de Jacques Cœur, depuis ses premiers pas de monnayeur, dès la première date connue, 1427, jusqu'à sa condamnation en 1453. L'un des griefs majeurs du procès était d'avoir illégalement exporté de l'argent du royaume français et d'être aller le fondre à Rhodes. Il s'en est défendu en disant que pour un marc d'argent exporté il avait fait entrer un marc d'or. Les historiens ont évalué à 120 kilos environ la charge d'argent qui sortait à chaque voyage de galée. On peut aisément imaginer les bénéfices dégagés par un échange poids pour poids argent contre or. Dans cette ligne, il apparaît évident que la possibilité qu'offrait le port de Marseille d'exporter de l'argent facilement ait pesé lourd dans la décision de Jacques Cœur et Jean de Village de déplacer leurs affaires de Montpellier à Marseille. L'intérêt que Jacques Cœur portait à la mine de plomb argentifère de Pampailly, aux mesures exceptionnelles qui s'y pratiquaient et aux avantages étonnants des ouvriers, s'expliquerait-il par sa connaissance de l'œuvre au blanc qui aurait pu lui permettre tout simplement d'augmenter les rendements ? N'est-il pas étrange que Jacques Cœur ait tant fait pour cette mine et ses ouvriers alors que le Procureur Dauvet, l'ayant jugée déficitaire, la fit fermer ? Certaines particularités de cette mine surprennent encore aujourd'hui les géologues. Nous attendons les commentaires de l'un d'entre eux qui nous a dit un jour : " la mine de Pampailly est la mine d'Europe où on a fait le plus de recherches. Elles ne sont pas terminées."

A suivre donc...


LE COEUR (Page 178) :

" Chacun connaît le blason et la devise de ce haut personnage ; trois cœurs formant le centre de cette légende, présentée comme un rébus, A vaillans cuers riens impossible. Fière maxime, débordante d'énergie, qui prend, si nous l'étudions selon les règles cabalistiques, une signification assez singulière. En effet, lisons CUER avec l'orthographe de l'époque, et nous obtiendrons à la fois : 1° l'énoncé de l'Esprit Universel (rayon de lumière) ; 2° le nom vulgaire de la matière basique ouvrée (le fer) ; 3° les trois réitérations indispensables à la perfection totale des deux Magistères (les trois cuers). Notre conviction est donc que Jacques Cœur a pratiqué lui-même l'alchimie, ou du moins qu'il a vu élaborer sous ses yeux la " pierre au blanc " par le fer " essencifié " et trois fois cuit. "

Bourges, Palais Coeur, Salle d'apparat, Loge aux musiciens.

LA COQUILLE (Page 178) :

" Parmi les hiéroglyphes favoris de notre argentier, la coquille Saint Jacques tient, avec le cœur, une place prépondérante. Les deux images en sont toujours accouplées ou disposées symétriquement, ainsi qu'on peut le voir sur les motifs centraux des cercles quadrilobés du fenestrage, des balustrades, des panneaux et du marteau de porte, etc. Sans doute y a-t-il, dans cette dualité de la coquille et du cœur, un rébus imposé sur le nom du propriétaire, ou sa signature stéganographique. Cependant, les coquilles du genre peigne (pecten jacoboeus des naturalistes) ont toujours servi d'insigne aux pèlerins de Saint Jacques… La Mérelle de Compostelle… sert, dans la symbolique secrète, à désigner le principe Mercure1, appelé encore voyageur ou pèlerin. Elle est portée mystiquement par tous ceux qui entreprennent le travail et cherchent à obtenir l'étoile (compos stella)... Rien de surprenant, dès lors, que Jacques Cœur ait fait reproduire, à l'entrée de son palais, l'icon peregrini si populaire chezles souffleurs (alchimistes) du Moyen Age…
Note 1 : le Mercure est l'eau benoîte des Philosophes. Les grandes coquilles servaient autrefois à contenir l'eau bénite ; on les rencontre encore fréquemment dans beaucoup d'églises rurales."

TRISTAN ET YSEULT (Page 180) :

" Venons donc à la pièce la plus curieuse et la plus originale du Palais. C'est un joli groupe, sculpté sur un cul-de-lampe, qui orne la chambre dite du Trésor. On assure qu'il représente la rencontre de Tristan et d'Yseult. Nous n'y contredirons pas, le suet ne changeant rien, d'ailleurs, à l'expression symbolique qu'il dégage. Le beau poème médiéval fait partie du cycle des romans de la Table Ronde, légendes hermétiques traditionnelles renouvelées des fables grecques. Il se rapporte directement à la transmission des connaissances scientifiques anciennes, sous le voile d'ingénieuses fictions popularisées par le génie de nos trouvères picards.
Au centre du motif, un coffret creux et cubique fait saillie au pied d'un arbre touffu dont le feuillage dissimule la tête couronnée du Roi Marc. De chaque côté apparaissent Tristan et Yseult, celui-là coiffé du chaperon à bourrelet, celle-ci d'une couronne qu'elle assujettit de la main droite. Nos personnages sont figurés dans la forêt de Morois, sur un tapis de hautes herbes et de fleurs, et fixent tous deux leur regard sur la mystérieuse pierre évidée qui les sépare. Le mythe de Tristan de Léonois est une réplique de celui de Thésée… Nous retrouvons ici l'hiéroglyphe de fabrication du Lion vert, d'où le nom de Léonois ou Léonnais porté par Tristan… Combat singulier des corps chimiques dont la combinaison procure le dissolvant secret et le vase du composé…

LE ROI (Page 181 ):

" Ce dissolvant peu commun permet la réincrudation de l'or naturel, son amollissement et le retour à son premier état sous la forme saline, friable et très fusible. C'est là ce rajeunissement du roi que signalent tous les auteurs, début d'une phase évolutive nouvelle, personnifiée, dans le motif qui nous occupe, par Tristan, neveu du Roi Marc. En fait, l'oncle et le neveu ne sont, chimiquement parlant, qu'une même chose, de même genre et d'origine semblable. L'or perd sa couronne en perdant sa couleur, durant un certain laps de temps et s'en voit dépourvu jusqu'à ce qu'il soit parvenu au degré de supériorité où l'art et la nature peuvent le porter…
Remarquons encore que la reine est à la fois l'épouse du vieillard et du jeune héros, afin de maintenir la tradition hermétique qui fait du roi, de la reine et de l'amant la triade minérale du Grand Œuvre. "

A propos de la rose et de la roue qui évoque SAINTE CATHERINE D'ALEXANDRIE, chère à jacques Cœur, il écrit, page :

" Au Moyen Age, la rose centrale des porches se nommait Rota, la roue. Or, la roue est l'hiéroglyphe alchimique du temps nécessaire à la coction de la matière philosophale et, par suite, de la coction elle-même. Le feu soutenu, constant et égal que l'artiste entretient nuit et jour au cours de cette opération est appelé, pour cette raison, feu de roue. "


4. Eugène CANSELIET

Eugène Canseliet a souvent évoqué Jacques Cœur lors de conférences ou dans des articles écrits pour la revue Atlantis. Avançant dans mes propres recherches sur Jacques Cœur au fil des ans, j'ai pu voir combien ses remarques étaient pertinentes et sa vision d'ensemble juste. Elles laissent à penser qu'il a longuement étudié la vie du Grand Argentier ou qu'il a eu accès à des documents qu'il ne cite pas. Touchée par le lien qui existait entre ces deux hommes à travers le temps et l'espace, je me suis inspirée de ce grand érudit alchimiste pour le personnage de Silvère de Lignières dans l'Homme aux yeux d'émeraude. Je reprendrai plus tard tous les éléments dont a parlé Eugène Canseliet sur la vie de Jacques Cœur.

DEUX LOGIS ALCHIMIQUES, éditions Pauvert, 1979
Pages 32, 119, 176, 178, 217, 253, 316.

Page 119 :

" …L'impératif conseil de discrétion, qui est propre à la pluralité des auteurs et dont Jacques Cœur nous laisse, particulièrement, l'image sculptée, expressive et amusante, en son palais de Bourges. Elle illustre une observation du puissant argentier, et campe sur la grande cheminée du logis, autrefois somptueuse, un fou que coiffe son capuce à oreilles et qui montre, de son index, sa bouche fermée par un cadenas : " en close bouche n'entre mouche ".

Page 176 :

" Dans la biographie synopsis dont nous venons de disposer, obligatoirement succincte, peut-être sera-t-on déçu que nous n'ayons fourni le détail apte à établir, évidemment, à la manière d'un certificat ou d'une attestation, l'activité philosophique du Grand Argentier de Louis XI (Jean Bourré). Déjà très rare dans la vie mal connue des adeptes qui laissèrent l'irréfutable preuve de leur accession à l'Absolu, les indications précises disparaissent totalement dès qu'il s'agit de personnages de condition élevée et qui, par surcroît, participèrent au gouvernement de leur pays propre ou d 'adoption. Jacques Cœur, qui tînt auprès de Charles VII, le même rôle que Bourré au côté de son roi, non plus que son émule du règne suivant, ne laisse le papier d'aucun fait certain témoignant de son zèle dans la philosophie d'Hermès. Suivant les principes, toujours respectés, de la Tradition, le ministre berruyer transmit, néanmoins, le message imposé qu'il cacha sous les parlantes sculptures de son palais et de ses diverses demeures. "

Monsieur Canseliet semble ignorer les références annoncées par Pierre Borel sur l'existence d'un supposé manuscrit d'alchimie écrit par Jacques Cœur. Ce manuscrit ne contredirait en rien la nécessité du secret dans la mesure où, s'il existait, dans le cadre de la transmission directe, il était très probablement réservé aux aspirants alchimistes élèves de l'Argentier.

Page 178 : 

" On trouvera, dans notre " Alchimie expliquée sur ses textes classiques ", le rapport que nous avons établi entre ce marmouset (salle des gardes château du Plessis-Bourré) et son alter ego, c'est-à-dire le veilleur somnolent, dans la chambre du trésor, au Palais Jacques Cœur ".

LUNE ET CERFS VOLANTS

Page 217 : "… Principalement, nous y insistons, le croissant de la Lune en ascendance et soulignant la condition sine qua non d'exécution, que Dieu posa en obstacle, fréquemment insurmontable, à la diabolique avidité des indignes. C'est dans le même dessein d'hermétique enseignement que l'alchimiste Jacques Cœur fit sculpter des cerfs-volants sur le tympan d'une des portes de la grand'salle, en son palais de Bourges. "

Certains détails du palais évoquent clairement l'importance de la Lune, " reine de la nuit " et de ses phases, notamment le blason lunaire de la chapelle.

COQUILLE SAINT JACQUES

Page 253 : " Dans la forme la plus antique, que conserva le Moyen Age, avec ses deux rangées de dents, le peigne, en son commun office, simule la fonction du mercure dans l'œuvre. Effectivement, le fidèle serviteur attire à soi l'Esprit du Monde - Spiritus Mundi ; il le retient, le lisse et le caresse afin de former avec lui cette " eau sèche ne mouillant pas les mains " et dans laquelle éclatent la pureté et la beauté. C'est la dualité de la coquille ou du " peigne de Jacques ", pecten Jacobeus - qui fut chère au Grand Argentier de Charles VII et dont Fulcanelli élucida le mystère, dans son premier ouvrage, après qu'il eut longuement visité, à Bourges, le beau palais Jacques Cœur. En conséquence, il serait utile que le néophyte relût, en cet endroit, les lignes si charitables du " Mystère des Cathédrales ", et qu'il effectuât ainsi un fructueux rapprochement. Particulièrement avec la division huitième qui, dans le même volume, est consacrée à " la Vierge sur le point d'enfanter - Virgini Pariturae ".

Page 316 : " Au demeurant, la licorne tient lieu du livre ouvert que la Vierge a souvent auprès d'elle, dans l'iconographie peinte ou sculptée de l'Annonciation. Celle que Jacques Cœur fit représenter, au-dessus de la porte de la chapelle, en son palais de Bourges, se montre de loquacité grandement extraordinaire… ".


6. VAN LENNEP

 « ALCHIMIE », 1985, C.C.B. éditeur, distribué par Dervy.

Dans cette somme de références historiques et bibliographiques, Van Lennep cite Jacques Cœur  en pages 245, 249, 261, 263 à 266, 271 et 375.

 

Page 245 : « On s’aperçoit d’ailleurs que quelques-uns des monuments considérés comme alchimiques sont attribuables à des personnages très riches et exerçant une activité financière. Après Flamel qui peut en être suspecté, il y eut Jacques Coeur et Jean Bourré. Leurs demeures cacheraient le secret de la pierre philosophale qui les aurait enrichis, rappelant le rapport  embarrassant entre l’or véritable et l’or symbolique.

 

Page 249 : «… 1926, publication par le mystérieux Fulcanelli de son livre « Le mystère des cathédrales ». Cet ouvrage étudie non seulement Notre Dame de Paris, mais aussi la cathédrale d’Amiens, deux édifices de Bourges : le palais Jacques Cœur  et l’Hôtel Lallemand, ainsi que la croix cyclique d’Hendaye.

 

Page 261 : « Le rapport entre l’alchimie et la cause principale de la réputation qu’eut Nicolas Flamel d’être un adepte, sa fortune, mérite l’attention. Nous allons le retrouver souvent dans les pages qui suivront à propos de Jacques Cœur, Jean Bourré, ou les Lallemand, tous grands financiers qui passèrent également pour alchimistes. Eux aussi furent les commanditaires de sculptures ou peintures intégrées par la tradition iconologique qui nous préoccupe. Cette coïncidence n’est pas fortuite.

 

Page 262 :  « La tradition  de figures peintes ou sculptées, inspirées par l’alchimie et ornant des édifices religieux ou profanes est ancienne. D’après Ashmole, John Cremer, alchimiste qui, au XIVème siècle, fut abbé de Westminster, fit peindre sur un des murs de cette abbaye « les grands mystères de la pierre philosophale. »

 

Par ces quelques lignes, Van Lennep rappelle que l’alchimie est réservée à des érudits car elle requiert la traduction de livres écrits en latin ou grec et demande des qualités intellectuelles certaines : esprit de chercheur curieux, logique, capable de comparaison et déduction, capacités d’analyse et de synthèse. Il cite, dans son ouvrage, de nombreux cas de moines ou prêtres alchimistes.

 

Page 263 : « Le rapport entre l’alchimie, la fortune ou l’occupation financière peut être proposé comme une des causes de cette tradition iconologique lorsqu’elle est appliquée à Nicolas Flamel ou encore, comme nous allons le voir, à Jacques Cœur et Jean Bourré. » Et, faisant référence aux écrits d’ Eugène Canseliet, il cite : «  Peut-être s’étonnera-t-on que nous n’ayons modelé aucun détail propre à fixer nettement les activités philosophiques du Grand Argentier de Louis XI. Déjà très rares dans la vie mal connue des adeptes, qui laissèrent la preuve indéniable et historique de leur accession à la vérité divine, les données précises disparaissent totalement dès qu’il s’agit de personnages de haute condition et mêlés par surcroît au gouvernement des pays. Jacques Coeur, qui eut auprès de Charles VII un rôle analogue à celui de Jean Bourré au côté de Louis XI, pas plus que son émule immédiat, ne laissa le souvenir d’aucun fait certain relevant de son effort dans la philosophie chimique. Suivant les principes traditionnels généralement respectés des adeptes, il nous transmit cependant son message, voilé sous la décoration sculptée de ses nombreuses demeures. De même, Jean Bourré, attentif à retrancher de ses papiers tout ce qui eût été positif et révélateur à l’endroit du grand secret de son existence, nous en dissimula la nature dans les scènes peintes de son plus beau château. »

 

N’oublions pas, en ce qui concerne Jean Bourré, que Guillaume de Varye, directeur financier de l’empire Cœur dirions-nous aujourd’hui, destitué par Charles VII puis réhabilité, redevient général des finances sous Louis XI. Y a-t-il entre lui et Jean Bourré une transmission alchimique ? Il serait intéressant de rechercher dans l’entourage proche de Jacques Cœur l’existence de membres de la famille Bourré.

 

Page 264 : « La réputation d’alchimiste de Jacques Coeur est ancienne, puisque déjà reconnue par le médecin de Louis XIII, David de Planis-Campy : « Je ne puis icy passer la mort de Jacques Coeur, lequel en considération de ce secret qu’il possédait, obtint de Charles VII pouvoir de forger monnaye d’argent pur, qui estaient des gros vallant trois sols, surnommez de Jacques Coeur » et qui portaient « trois cœurs qui estoient ses armoieries ».

« En ce même dix-septième siècle, Pierre Borel rapporta qu’il « avoit la pierre philosophale et que tous ces commerces qu’il avoit sur mer, ses galères et les monnayes qu’il gouvernoit, n’estoient que des prétextes pour se cacher, afin de n’être point soupçonné ». Ailleurs, il précisa encore que Jacques Coeur aurait écrit sur le Grand Œuvre et il mentionna les figures hermétiques dont il avait orné son palais. Elles révèleraient, selon lui, le secret de la pierre au blanc qui projetée sur un métal vil le change en argent  et qu’il aurait découverte. »

 

Notons, en ce qui concerne Louis XIII et son médecin, David de Planis-Campy, cet autre passage de Van Lennep, page 24 :

« L’alchimie ne cessa de séduire les princes. Ainsi, en 1626, David Lagneau fut-il appointé par Louis XIII. Ce souverain avait hérité cette curiosité de son prédécesseur Henri IV et la partageait avec Richelieu. »

Nous retrouvons Louis XIII, curieusement, à Beaucaire où il ordonne la tenue des états généraux et à Cuers où il donne le lys au village, information communiquée par M. Serge Porre, historien, archiviste de Cuers. Quelle raison Louix XIII a-t-il de s’intéresser d’aussi près à un petit village bien éloigné des rênes du pouvoir ?

 Jacques Van Lennep cite l’Abbé Lenglet-Dufresnoy qui, tout en contestant les allégations de Pierre Borel, semble reconnaître l’existence ou la rumeur d’un traité d’alchimie écrit par la main de Jacques Cœur :

« En vain Pierre Borel, amateur outré de la science hermétique, veut prouver que les grands biens de Jacques Cœur viennent du secret de la transmutation des métaux.  Le ministre crut se mettre à couvert des recherches en se déclarant philosophe hermétique ; il fit bâtir à Bourges une maison superbe, sur laquelle il fit graver les emblèmes de cette science, qui s’y voient encore. Ce qu’il exécuta pareillement à Montpellier. Mais on ne fut pas la dupe de sa conduite ; on se garda bien de prendre le change ; et malgré le Traité de sa composition qu’il fit courir sur la transmutation des métaux, on sentit bien que toutes ses richesses venaient de ses concessions, et non pas d’une louable industrie. »

Concernant la référence de Pierre Borel à un traité sur la transmutation des métaux qu’aurait écrit Jacques Cœur, l’Abbé Lenglet-Dufresnoy ne semble pas en contester l’existence. Jacques Cœur a-t-il accompli l’ « Œuvre au Blanc » qui permet de transformer les métaux vils en argent. Nous connaissons le rôle qu’a tenu le métal blanc dans la vie du Grand Argentier.

 Page 265 :

«Pour les uns donc, Jacques Cœur fut un adepte ; pour les autres, il le fit croire. Dans les deux cas, cette qualité est mise en rapport avec son degré de fortune et mieux encore son pouvoir de battre monnaie. Quels que soient les partis, la tradition iconologique se fonde dès le dix-septième siècle sur cet argument pris à tort ou à raison. »

 

Van Lennep décrit certaines sculptures du palais Jacques Cœur à Bourges, ou plutôt reprend les commentaires de Fulcanelli que nous détaillons par ailleurs. Il note avec pertinence « la constante du trinaire ». Nous y reviendrons également car ce trinaire est lié à un concept fondamental de l’alchimie représenté par l’union des éléments Soufre, Sel et Mercure philosophiques (qui, rappelle Eugène Canseliet, ne sont pas les éléments chimiques connus).

 

« Plusieurs tympans décorant des portes donnant sur la cour d’honneur étonnent par leur iconographie inhabituelle, particulièrement ceux qui couronnent les accès à la chapelle. Chacun des trois tympans comporte trois personnages."

 

Bas-relief de gauche

L’un porte un livre fermé, symbole de l’ésotérisme, l’autre sonne d’une cloche, le troisième est un mendiant.

 

Bas-relief central

« Un  homme recouvre d’un voile un autel qui porte un signe qui passe pour être un matras contenant la double matière de l’œuvre suggérée par un cœur et une coquille. La lecture première de ces deux emblèmes désigne le maître de céans : le cœur (son patronyme) et la coquille (attribut de Saint Jacques de Compostelle), son prénom. Fulcanelli, dans le Mystère des Cathédrales, y a vu néanmoins les symboles du soufre et du mercure. Un homme aux beaux atours s’éloigne en élevant les yeux au ciel. Il tient une bourse et est précédé par un aveugle ou, en tout cas, un homme plus modeste qui avance à tâtons. Remercie-t-il le ciel pour ses bienfaits : la pierre qu’il aurait obtenue dans l’autel-athanor ? Ce tympan au sujet mystérieux est sans doute à l’origine de la réputation de Jacques Cœur. »

 

Cet élément a largement été commenté par d’autres auteurs, dont Eugène Canseliet. Il est sans aucun doute le plus représentatif de la pratique alchimique et pourrait bien représenter Jacques Cœur et ses deux associés, Jean de Village et Guillaume de Varye. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé à deux alchimistes opératifs de commenter cette SCENE DE L’ATHANOR.

 

Bas-relief de droite

« Il montre trois femmes de qualité, guidées par un enfant. Un ange présente un croissant lunaire. S’agirait-il d’une allusion aux trois principes (soufre, mercure et agent de fusion) qui permettent d’obtenir l’argent (la Lune), certaines opérations étant, comme on le sait,  un travail de f emme et un jeu d’enfants ? La constante du trinaire n’est certainement pas un hasard dans la décoration du palais. Deux autres tympans de portes donnant sur la cour d’honneur présentent chacun trois arbres. Sur l’un, il pourrait s’agir de pommiers rappelant le Jardin des Hespérides cher aux alchimistes. Sur l’autre, il y a un palmier que déjà les Gréco-Egyptiens, rapprochant son nom en grec phoinix de celui identique de la couleur rouge et enfin du Phénix, considéraient comme un symbole de la pierre. Parmi les autres arbres encore retenus par l’alchimie, figuraient l’olivier, le chêne, le persea toujours vert et le « musa » au tronc écailleux porteur de larges feuilles. »

 

Nous reviendrons plus loin sur le thème du trois dans les signes laissés par Jacques Cœur dans 10. LE LIVRE DE PIERRE.

« Dans la chambre dite du Trésor, un cul-de-lampe représenterait la rencontre de Tristan et Yseult épiés par le Roi Marc dont la tête apparaît dans le feuillage d’un abre. Celui-ci, qui fait partie d’un groupe de trois, pousse derrière un enclos carré en saillie. Alchimiquement, nous assistons à la rencontre des époux qui engendreront la pierre, ce fruit qui pousse sur l’arbre de la philosophie, habituellement couronné comme c’est le cas ici, par la présence du roi. Un fou (le mercure) les épie. »

 

Cette scène a été reprise dans le roman « Jacques Cœur, l’homme aux yeux d’émeraude » car elle évoque de manière audacieuse et ambiguë les liens qu’entretenaient Jacques Cœur et Agnès Sorel, la Dame de Beauté, maîtresse officielle de Charles VII. Comme la sculpture en encorbellement de la chapelle du palais, le roi découronné, elle a pu déchaîner la colère du Roi. Bien que les représentations de Tristan et Yseult soient en vogue en Moyen Age, nous pouvons voir là le caractère quelque peu frondeur de Jacques Cœur. Il ne pouvait ignorer que le Roi y verrait là un cuisant camouflet.

 

Pour les amoureux des « demeures  philosophales », Van Lennep continue par la description de l’Hôtel Lallemant dont l’un des membres, rappelons-le, était contemporain de Jacques Cœur. Des échanges de marchandises entre les deux familles sont cités dans les minutes du procès.


Michel MOLLAT

 Dans « Jacques Cœur ou l’esprit d’entreprise », éditions Aubier, 1988, page 370-374, cet historien, sans conteste celui qui a le plus évoqué les facettes occultes du personnage Coeur sans les approfondir, écrit :

« Une phrase relevée dans une lettre de l’Argentier éveille la curiosité et suscite une dernière énigme : « Je scay bien que la conqueste du Saint Graal ne se peut faire sans moy. » La lettre est adressée à deux conseillers du Roi, de Montpellier, le 15 février 1447. Elle concerne les affaires, alors compliquées, de Gênes. L’interprétation la plus simple de cette allusion repose sur une tradition, fort en honneur en cette ville, selon laquelle le Graal serait une coupe d’émeraude, conservée à la cathédrale, le Sacro Catino. Sa conquête signifierait la domination sur Gênes. Mais Jacques Cœur n’ajouterait-il pas à cette signification symbolique toute la charge mythique du Graal ? »

 Michel Mollat ajoute, évoquant les rumeurs de pratique alchimique :

« Dans sa génération, il en était qui, bien au-delà de l’astrologie alors répandue, cédaient aux phantasmes de l’ésotérisme. Autour de Jacques Cœur rôdaient des gens adonnés aux sciences occultes. Le rôle sinistre d’Otto Castellani, qui voulut le faire envoûter, est connu. Certains croient que Jacques Cœur lui-même pratiquait l’alchimie. Une littérature, plus abondante que convaincante, l’assure avec des arguments dont la démonstration demeure hypothétique. Pour avancer qu’il ait effectivement cherché la pierre philosophale, on a interprété, avec une certaine pertinence, il est vrai, quelques devises et symboles gravés dans la pierre des maisons de Bourges et de Montpellier, ainsi que certains reliefs et certaines scènes peintes sur les murs. Il y a peu de chances de trouver des preuves documentaires et l’assimilation du Graal avec la pierre philosophale a été rejetée. »

 Il est étonnant de noter que cet historien, sans conteste le plus grand spécialiste de Jacques Cœur, avide d’en éclairer les moindres aspects, n’a pas eu la curiosité d’aller plus avant dans ses recherches sur ce sujet.  Sans aucun doute pense-t-il à Fulcanelli ou Eugène Canseliet en parlant de littérature plus abondante que convaincante, et d’interprétation donnée « avec une certaine pertinence, il est vrai ».  Si ces interprétations ne sont pas convaincantes à ses yeux, elles le sont néanmoins pour des alchimistes opératifs.  Il semble ignorer l’existence de la Bibliotheca Chimica de Pierre Borel qui représente en soi un élément documentaire important laissant l’espoir aux chercheurs de retrouver un jour le manuscrit d’alchimie transmutatoire de Jacques Coeur.

 S’il est vrai que pierre philosophale et Saint Graal sont considérés comme deux concepts différents, ils sont parfois assimilés l’un à l’autre dans l’esprit des alchimistes, la pierre philosophale étant leur saint Graal. Nous retrouvons avec le Graal et une étape de la Pierre Philosophale, l’évocation claire à l’émeraude, couleur à fort pouvoir évocateur chez les alchimistes, témoin la Table d’Emeraude, texte d’Hermès Trismégiste, patron des alchimistes.  N'oublions pas la lettre de Jacques Coeur :  "la quête du Saint Graal ne se fera pas sans moi"... Cette affirmation péremptoire m'a guidée pour faire de l'émeraude, dans le roman que je lui ai consacré, la couleur (non connue) des yeux du Grand Argentier.

Jacques-Henri BAUCHY

« Jacques Cœur, roi sans couronne », Horvath, 1969, page 66 :

« On comprend que le marchand de Bourges ait fort intrigué ses contemporains. D’étranges bruits circulaient à son sujet. Certains voyaient en lui un alchimiste et prétendaient que, dans ses mines du Beaujolais, dans le secret de ses hôtels, de ses châteaux, sous l’alibi de ses comptoirs, il recherchait la pierre philosophale. Folies que tout cela, nous le savons maintenant. Mais de telles rumeurs prouvent à quel point le personnage intriguait son siècle et son pays. Encore vivant, Jacques Cœur faisait corps avec la légende. »

Georges BORDONOVE

« Jacques Cœur et son temps », éditions Pygmalion, 1977,  p. 75.

Georges Bordonove cite l'extrait de Pierre Borel sur l'immeuble de Montpellier (voir ci-dessus et 12.BERNARD CHAUVIERE), qui habitait Montpellier et  avait fait un travail de recensement important des œuvres alchimiques. A l’inverse de René Bouvier, il commente :

« Nicolas Flamel passait, comme on sait, pour avoir retrouvé la pierre philosophale qui convertissait le plomb en or. C’était un alchimiste, voilà, le mot est lancé ! Jacques Cœur fut, lui aussi, soupçonné d’avoir possédé le fameux secret ; on préférait expliquer sa rapide fortune de la sorte, plutôt que de reconnaître sa supériorité intellectuelle et son prodigieux labeur. Les tenants de l’ésotérisme ont largement commenté le symbolisme des trois portails décrits ci-dessus. Ils y ont vu la preuve, évidente pour eux, de la qualité d’Adepte de Jacques Cœur. On notera cependant que le soleil et la lune du premier portail ont toujours été les signes héraldiques du Languedoc et qu’ils figuraient dans les sceaux des Comtes de Toulouse avec la célèbre croix perlée. »

Page 76, l’historien reprend les différents symboles en donnant leur lien avec l’héraldique « officielle » : « J’ignore si le cerf ailé du troisième portail symbolise « la matière des philosophes », mais je sais qu’il était le signe personnel de Charles VI et de Charles VII. » Et peu après : « mais l’alchimie ajoutait aux crimes de Jacques Cœur, en tout cas le rendait suspect aux yeux de l’Eglise, ce qui facilitait la tâche de ses détracteurs. »

Le cerf ailé figure également, avec une biche pareillement ailée, sur un bas-relief fleurdelysé de la salle d’apparat du palais Cœur. Est-ce une référence volontaire de Jacques Coeur au roi dit fou, mais bien alchimiste, Charles VI et à son 5.


8. LA LETTRE AUX ARQUEMIENS 

Dans son livre « Jacques Cœur et son temps », éditions Pygmalion 1977, page 139, Georges Bordonove évoque un courrier écrit par le Grand Argentier. Jacques Cœur apprend qu’un receveur du baillage de Bourges paie les soldats en fausse monnaie, il écrit au capitaine de la ville de Saint Benoît une lettre lui demandant d’intervenir prestement :

« Monsieur de Barbançoys, je me recommande à votre bonne grâce autant que je peux, et vous plaise savoir qu’hier, après vêpres, est par deça venu un inconnu, lequel a dit qu’il voulait me parler, moyennant que je lui promettrais de tenir sa parole secrète sans rien découvrir ni révéler à personne vivante qu’elle venait de lui ; auquel ayant prêté l’oreille, il m’a dit que le receveur des aides de Saint Benoît avait accointance avec des arquemiens par le moyen desquels il faisait écus d’alchimie, qu’il employait au paiement des gens d’armes. Et avait déjà, à la connaissance dudit qui en parlait, changé cinq lingots qui n’étaient point d’or comme il semblait, mais de laiton doré par ledit moyen d’alchimie. Et comme se devaient réunir ledit receveur et tous ensemble avec lesdits alchimistes de nuit, en une hôtellerie dudit Saint-Benoît où pend l’enseigne de l’homme sauvage ;  et là se devaient changer encore d’autres lingots. Ce qui me fait vous mander par la présente de faire épier et guetter ledit receveur et tous ceux qui viendront en ladite hôtellerie, le faire arrêter et conduire ce receveur à Bourges, afin d’enquêter sur lesdites besognes. Et à cela ne devez en rien faillir, car c’est chose de grande utilité au service du Roy notre sire. Jacques Coeur »

 Sur ledit extrait, trois remarques s’imposent.

Premièrement, si Jacques Cœur est véritablement alchimiste, il est logique qu’il cherche à entrer en contact avec des « arquémiens », ne serait-ce que pour s’assurer que son secret est bien gardé ou par curiosité pour ce que d'autres pratiquants pourraient lui révéler. Cette démarche lui semble essentielle :

« c’est chose de grande utilité au service du Roy ».

Deuxièmement, pour les véritables alchimistes en quête de pierre philosophale, l’arquémie est considérée comme une pratique vulgaire qui consiste à transmuter les métaux vils en or. Il serait alors compréhensible que Jacques Cœur cherche à stopper des pratiques « inférieures » à la noble alchimie qui est consacrée à la recherche de la Pierre Philosophale ou de la Médecine universelle, les deux étant parfois confondues.

Troisièmement, quelle est la suite de cette intervention écrite de Jacques Cœur ? L’arrestation a-t-elle lieu ? Que deviennent ces arquémiens ? Quelles étaient ses véritables motivations ?  


10. LE LIVRE DE PIERRE DE JACQUES COEUR s'inscrit bien dans cette lignée.

LA LANGUE DES OISEAUX

Le langage des alchimistes, ou Langue des Oiseaux, a un fondement symbolique tout en s'appuyant sur des concepts religieux tout autant que philosophiques. Il s’exprime à travers des images et associations d’idées pouvant être intégrées par le cerveau gauche. Elle s’adresse plus particulièrement à la part intuitive de l’être. Pourtant, elle a été développée pour guider l’opérateur dans sa pratique, dans des actes bien concrets. De là sans doute vient la difficulté à entrer dans ce monde dit fermé où il faut sans cesse jongler avec ces deux aspects.

Un exemple simple est celui du vaisseau ou nef. La première pensée est celle des galées de Jacques Cœur, donnée bien concrète. La nef orientée est l’église, par extension la direction vers laquelle on se tourne pour trouver la lumière suivie. Le vaisseau désigne également le vase dans lequel s’effectue l’opération alchimique, cornue, matras ou creuset, selon la nature de la voie suivie et le type de cuisson utilisé. Ce langage s’exprime également dans les livres de pierre et l’art sous toutes ses formes, incluant l'art du verbe et des devises bien sonnées.

Nous trouverons ces lignes directrices bien présentes dans l'oeuvre de Jacques Coeur, puisque c'est bien d'une oeuvre monumentale où règne l'alchimie du mystère dont il s'agit. N'oublions pas l'une de ses devises, symbolisée par "l'homme à la bouche fermée d'un cadenas", parlante et hermétique tout à la fois :

"EN CLOSE BOUCHE N'ENTRE MOUCHE".

Elle s'enrichit au fil des visites du palais de Bourges, de la loge aux musiciens de la salle d'apparat au tableau extérieur du donjon représentant trois arbres, en passant par le blason de Montpellier, de la devise encore plus parlante :

"DE MA JOIE DIRE FAIRE TAIRE".


11. LE CHEVALIER AU COEUR ET A LA COQUILLE 

 LA CHEVALERIE

La chevalerie est une réalité du Moyen Age. Elle échappe aux cadres matérialistes, préformés et limités de notre culture ambiante. Sa dimension mystique appartient au domaine de l’intangible, de l’indicible, de ce qui ne se prouve pas, mais ne peut que s’éprouver dans une conviction personnelle intérieure profonde. Cet esprit animait Jacques CŒUR lorsqu’il écrivait : « la quête du Saint Graal ne se fera pas sans moi ». Par ces quelques mots, il s’inscrivait dans la lignée des légendes celtiques, du Roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde, des Croisés et Templiers partis en Terre Sainte. En témoignent ses liens avec les Chevaliers de Saint Jean de Rhodes, sa négociation pour leur libération auprès de l’Egypte, la Croisade de Calixte III qu’il co-finance et co-dirige pour la libération des territoires chrétiens. Toute sa vie et jusqu’à sa sortie officielle de l’Histoire,  Jacques CŒUR reste fidèle à la devise qu’il choisit lorsqu’il est anobli en 1441 :

 « A VAILLANS CUERS RIENS IMPOSSIBLE »

Est-il devise plus chevaleresque ? Sans doute est-ce cette qualité qui lui fait recevoir avec faste dans son hôtel privé de Montpellier le Chevalier Errant Jacques de Lalaing, de même qu’il n’hésite pas à avoir des échanges avec les plus grandes têtes de son époque, des papes aux rois, en passant par les sultans et les Chevaliers de Rhodes dont il se fait des alliés.

JACQUES CŒUR ET JEANNE D’ARC

 En écrivant « l’homme aux yeux d’émeraude, il m’a fallu « mettre les points sur les i » pour comprendre le lien qui unissait ces deux êtres, même si aucun échange de courrier entre eux ne venait en attester. Comment cet homme aurait-il pu ne pas se sentir lié à celle qui était venue les libérer ? Il  avait souffert de la guerre, participé à la fonte des monnaies pour financer l’épopée de la Pucelle, sauté de joie à la libération des territoires qu’il avait financée et dont il avait adroitement profité. Peut-être même avait-il accompagné son ami Ravand le Danois, Maître de la Monnaie de Bourges, qui assistait au Sacre de Charles VII à Reims. Il avait sans doute pleuré en apprenant la défaite de Jeanne devant Paris, ses longs mois d’emprisonnement et son bûcher. Peut-être même l’avait-il rencontrée lors du triste hiver qu’elle avait passé à Bourges avant d’accepter le calice que le Destin lui tendait ? Bien qu’il n’y ait aucun document le prouvant, j’ai imaginé les rencontres entre Jeanne d’Arc et Jacques Cœur. Le rôle qu’ils ont tous deux joué dans la libération de leur pays ne peut être que l’expression d’un lien profond. Quoi de plus chevaleresque, pour ces deux héros de notre histoire nationale, que de faire don de soi, de sa vie et, pour Jacques Coeur, de ses biens pour sauver son pays ? « Sire, ce que j’ai est vôtre ». Charles VII l’entend si bien entendu qu’il trouve le moyen le plus radical pour s’emparer des biens de son sujet, le crime de lèse-majesté. Comme il avait abandonné Jeanne d’Arc à son triste sort sans guère lever le petit doigt, il trahira l’homme qui contribua grandement à le « bien servir » et le porter au sommet du pouvoir.

La première qualité de chevalier que nous pouvons reconnaître à Jacques Cœur est bien celle d’alter ego de Jeanne d’Arc car il permit la libération du pays en finançant la fin de la Guerre de Cent Ans. Nous pouvons dire en ce sens qu’il continua et termina l’œuvre de Jeanne d’Arc.

 LE PORTRAIT DE JACQUES CŒUR

 Dresser un portrait du Chevalier Cœur pose également la question de l’apparence, des capacités physiques et des tendances psychologiques.

Jacques Cœur est resté dans l’Histoire par quelques descriptions, notamment celle où il caracole à côté de Charles VII, de Dunois et de Pierre Brézé en véritable chevalier, lors de la libération de Rouen qu’il avait largement financée. 

Il passe sa vie à cheval, fait donc preuve d’une vitalité hors norme et d’une volonté de méconnaissance du danger. Il faut dire qu’il sait manier l’épée grâce aux leçons prises avec son Maître d’Armes.

Quoi qu'il en soit, il est difficile de l'imaginer malingre, fluet, timide et renfermé.

 Il est étonnant qu’aucun portrait historique d’époque n’ait été laissé à la  postérité, suffisamment réaliste pour connaître le véritable visage du Grand Argentier. Le seul portrait proche est celui de l’enluminure représentant la scène de « l’amende honorable » à genoux des Chroniques de Monstrelet. Existe-t-il un portrait dans le Livre d’Heures de la Stadtlieche Bibliothèque de Munich dont il pourrait être l’origine et où est représenté le dais de la façade du palais avec une statue équestre de Charles VII ?

Cela rappelle l’énigme Fulcanelli dont ni le visage, ni l’identité à ce jour n’ont été révélés, même par ceux qui l’ont approché de près.

Jacques Cœur, par contre,  a tenu à être représenté sur les murs de son palais. Les personnages principaux sculptés sur la façade extérieure du donjon représentent Macée de Léodepart, son épouse, et lui-même tenant un marteau, posant sur un rocher. Il montre là l’importance qu’il accordait à ses activités d’exploitant minier complémentaires de la Monnaie. Certains diront que là encore l’alchimie le motivait car le rocher représente également la matière première des alchimistes, extraite de la mine.

S’est-il fait représenter dans la fausse fenêtre de la façade en frontispice ? C’est là un personnage au faciès typiquement berruyer qui y est  installé, guettant le passant pressé.

 Il est cependant deux pistes à étudier. Jacques-Henri Bauchy, dans « Jacques Cœur, roi sans couronne », éditions Horvath, 1988, écrit, pages 143, 144 :

« Nous savons qu’à l’église Saint Paul de Paris une verrière, aujourd’hui détruite, le représentait aux côtés de Charles VII et de Jeanne d’Arc et que, vers 1449, son fidèle ami, le pape Nicolas V, envoya en France le peintre florentin Pietro della Francesca afin d’y portraiturer le roi et divers personnages de la Cour, en témoignage de reconnaissance pour l’extinction du schisme occasionné par Félix V. Jacques Cœur, principal plénipotentiaire de l’ambassade qui avait mis fin à ce schisme, était certainement l’un des modèles du peintre. Malheureusement, la toile qui le représentait n’a jamais pu être identifiée. »

Existe-t-il des reproductions de la verrière de l’église Saint Paul ?

Il est logique de penser que Nicolas V, en remerciement au succès des négociations de Jacques Cœur auprès de Félix V, ait exprimé le souhait que son peintre réalise le portrait de Jacques Cœur, l’ami qu’il avait hébergé dans ses appartements privés lors de l’ambassade de Rome. Une étude exhaustive de l’œuvre du peintre florentin éclaircirait peut-être ce mystère.

Il y a cependant un détail de vitrail qui pourrait révéler le visage du Grand Argentier. Il s’agit du portrait serti dans le pommeau de l’épée de Sainte Catherine, vitrail de l’Annonciation de la chapelle funéraire de la cathédrale Saint Etienne, Bourges. Certains historiens pensent qu’il s’agit du portrait du maître verrier qui a réalisé le vitrail. Si nous replaçons ce détail dans le contexte des symboles alchimiques, il peut aisément être rattaché à un portrait de nature laiteuse, donc lunaire. Souvenons-nous que la Lune est présente sur les murs du palais, sur les blasons de sa chapelle, même les différentes phases de la Lune, essentielle au processus alchimique. La position même sur le pommeau de l’épée porte un symbole, celui du travail pyrique, de la transmutation par le feu. Il en est de même de l’attachement de Jacques Cœur à Sainte Catherine d’Alexandrie, reconnue par les alchimistes pour ses trois attributs, le livre, l’épée, la roue. C’est, là encore, un faciès qui semble typiquement berrichon. Est-ce celui de Jacques Cœur ? Seule, une comparaison avec d’autres portraits pourrait éclairer ce visage dont les traits semblent fatigués, torturés. Il rappelle le visage d’une petite statue de bois qui était autrefois visible au Musée Languedocien de Montpellier, demeure de Jacques Cœur, actuellement Hôtel des Trésoriers de France. Cette statue portait la mention « XVème siècle, trésor de Jacques Cœur » et représentait un homme montrant son cœur mis à nu dans une poitrine déchirée.  Il est dommage que ces deux portraits ne puissent être comparés.

RHODES, LES CHEVALIERS ET L’ORDRE DU TEMPLE

Les activités de Jacques Cœur à Rhodes sont fondamentales dans son histoire.

Sous la protection des Chevaliers Hospitaliers, protégés de la Reine Yolande d’Aragon, il fond l’argent sorti illégalement du royaume. Il protège à son tour les chevaliers hospitaliers dans son intervention auprès du Sultan d’Egypte…Les chevaliers sont emprisonnés en Egypte. Jacques Cœur négocie et obtient la libération des dix  chevaliers de Rhodes retenus emprisonnés.  N’oublions pas que les Hospitaliers de Rhodes ont hérité des biens des Templiers. Curieusement, nous retrouvons la croix du Temple dans l’œuvre de Jacques Cœur. Appartient-il à l’ordre du Temple qui a continué malgré l’extermination de 1307 ? En 1318, lors du chapitre de Spoletto, 3000 chevaliers du Temple sont rassemblés pour décider du devenir du Temple et choisissent d’exister dans le secret. Les Templiers étaient réputés être alchimistes. Ils possédaient les mines, contrôlaient le système bancaire. Le Roi était leur débiteur. Parallèle frappant avec Jacques Cœur qui, comme eux, le paiera très cher.

Contrairement aux idées répandues, l’Ordre du Temple n’est pas mort. La rencontre de Spoletto, en Italie, en  1318, rassemble trois mille chevaliers venus décider du devenir de l’ordre. Deux factions s’opposent. La première demande vengeance. La seconde veut perpétuer l’Ordre du Temple dans le secret. Cette faction l’emporte. C’était seulement un siècle avant Jacques Cœur. Dans son livre « Gilles de Rais et Jacques Cœur », Roger Facom évoque l’appartenance de Jacques Cœur à l’Ordre Templier.

 JACQUES COEUR

A-T-IL APPARTENU A UN ORDRE OCCULTE?

 

Dans Alchimie, page 271, Van Lennep évoque le mouvement rosicrusien. Il développe :

 

« Pour Fulcanelli, celui-ci existait déjà au quinzième et au seizième siècles, puisqu’il imagina que Jacques Cœur, Jean Lallemant et Louis d’Estissac en étaient membres ».

 

Certains écrits évoquent l’appartenance de Jacques Cœur à une résurgence de l’Ordre Templier, notamment Roger Facon. Aucune archive ne nous permet de l’affirmer. Outre le parallèle étrange, il faut bien le dire, entre le destin de ces chevaliers et celui de Jacques Cœur, regardons attentivement quelques éléments de son œuvre :

 

Dans la chapelle funéraire que Jacques Cœur fit construire dans le fenestrage du Duc de Berry, Cathédrale Saint Etienne, Bourges,  deux vitraux semblent perdus dans la richesse de la représentation de l’Annonciation et des motifs majeurs. Font-ils partie de l'ensemble commandité par Jacques Coeur ? Si oui, ils sont révélateurs d’une possible appartenance à un ordre templier résurgent.

 

Le premier vitrail rejoint le détail de la scène de l’athanor et du motif central de la Loge aux musiciens, la croix templière. Là encore, il s'agit de la croix la plus représentative du Temple. Si nous en doutions, les neuf cloches centrales n’évoquent-elles pas les neuf premiers Grands Maîtres de l’Ordre Templier ?

 

Le second vitrail présente une blason complexe où se voient l'églantine, des cordes entrelacées et une croix de Malte.

Pour conclure, là encore, tournons-nous vers de nouvelles questions ?

A une époque où les ordres de chevalerie fleurissent, Jacques Cœur insiste-t-il tant à représenter la croix templière la plus figurative de l’Ordre du Temple parce qu’il en fait partie malgré la fin reconnue et acceptée officiellement de cet ordre qui, après le rassemblement de Spoletto, aurait continué dans le secret ? Eprouve-t-il simplement pour cet ordre chevalier un sentiment de sympathie tout particulier ? Comme les Templiers, il répondra à l’appel de Calixte III pour co-financer et co-diriger la croisade de ce dernier contre les Ottomans pour défendre la Chrétienté en Méditerranée.

Les liens de Jacques Cœur avec l’Ordre des Chevaliers de Rhodes ne sont plus à prouver. Bien que l’Histoire officielle insiste sur les rivalités ayant existé entre les Chevaliers du Temple et les Chevaliers de Rhodes qui héritèrent des biens saisis au Temple par l’Eglise, parmi les Chevaliers de Rhodes se trouvait-il des Maîtres Templiers ?

 Le Mystère de la continuation de l’Ordre du Temple dans le secret n’a-t-il pas des résonances troublantes avec la mort jamais prouvée du Chevalier au Cœur et à la Coquille étrangement disparu en Méditerranée ?12/ Bernard CHAUVIERE

Comment parler d'alchimie chez Jacques Coeur sans laisser parler un alchimiste ? La plus élémentaire des honnêtetés est d'écouter, même si l'on ne veut pas entendre, ce qu'un opératif actuel dirait sur ce sujet.

Bernard Chauvière, spécialiste professionnel de la dorure sur livres anciens et érudit de nature, ne cache pas ses pratiques de la Science d'Hermès. Il les expose dans l'ouvrage : "Parcours alchimique à l'usage d'un opératif", éditions Liber Mirabilis, Londres, 2000. Il y révèle également ses liens personnels avec celui qu'il considère comme son maître à penser et pratiquer, Eugène Canseliet. Comme lui, Bernard Chauvière s'est particulièrement intéressé à Jacques Coeur. Il décrit longuement les figures hiéroglyphiques de l'hôtel Jacques Coeur à Montpellier.

Il écrit, tout spécialement à l'intention des Amis de Jacques Coeur, et commente l'extrait de Pierre Borel déjà cité dans LES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES:

"La qualité d'alchimiste de Jacques Coeur ne saurait être mise en doute au vu des sculptures symboliques du palais de Bourges et de la description de l'ornementation d'une de ses possessions à Montpellier par Pierre Borel dans l'ouvrage intitulé :

"TRESOR DE RECHERCHES ET ANTIQUITEZ GAULOISES ET FRANCAISES",

Paris, 1655, page 127 :

"On y voit , écrit Pierre Borel, trois portails faits en forme de fourneaux, comme ceux de Nicolas Flamel. A l’un il y a, d’un côté, un soleil plein de fleurs de lis et de l’autre une lune pleine aussi de fleurs et de lis, et entourée d’une couronne d’épines, qui semblent dénoter la pierre solaire et lunaire venues à leur perfection. A l’autre portail, on voit d’un côté un arbre fruitier, ayant au pied des branches de roses, et dudit arbre pendant les armes de Jacques Cœur dans un écusson ; de l’autre côté, il y a le caractère chimique du soleil.
Au troisième portail, qui est celui du milieu, il y a d’un côté un cerf qui porte une bannière, ayant un collier fleurdelysé, environné d’une branche d’arbre ou matière des philosophes qui, au commencement, est volatile et légère comme le cerf, et de l’autre, il y a un écu de France soutenu par deux griffons. »

"Quoi de plus alchimique, renchérit Bernard Chauvière ? Ajoutons qu'aujourd'hui encore, rue Jacques Coeur, à Montpellier, l'amateur de la science hermétique peut admirer un portail symbolique que nous avons analysé dans notre ouvrage "Parcours alchimique à l'usage d'un opératif". David de Planis Campy cite également Jacques Coeur comme possesseur de la pierre au blanc permettant la transmutation des métaux vulgaires en argent.

"Quant au palais Jacques Coeur, nous ne pouvons, après Fulcanelli, que déplorer le vandalisme des siècles passés qui nous prive aujourd'hui de ce qu'il décrit comme un véritable musée d'emblèmes hermétiques. Il reste toutefois suffisament de sculptures pour nous permettre d'imaginer la magnificence de la demeure de Jacques Coeur au XVème siècle.

"Pour nous, il est pratiquement certain qu'une partie de la fortune de Jacques Coeur était issue de sa pratique alchimique. Comme le signale Eugène Canseliet, "dès que Jacques Coeur eût chassé les Anglais de la Normandie sous le poids de son numéraire - cent mille écus d'or -, il fut arrêté et envoyé en prison au château de Lusignan en Poitou". Charles VII le "bien servi" avait décidément une bien curieuse façon de remercier ses serviteurs !."

Bernard Chauvière, Mouans Sartoux, le 3 Septembre 2005, pour les Amis de Jacques Coeur.


En l’an de grâce 2000 après J.C., Bourges et les Amis de Jacques Coeur fêtaient le 600ème anniversaire de la naissance du Grand Argentier. Je rédigeai en quatre mois « l’homme aux yeux d’émeraude » après quinze années de recherche sur la vie fabuleuse, jamais épuisée de cet homme qui, depuis que j’étais enfant, m’interpellait. Cette même année, Bernard Chauvière écrivait son

«PARCOURS ALCHIMIQUE A L'USAGE D'UN OPERATIF »

aux éditions Liber Mirabilis, consacrant une page aux figures dites hiéroglyphiques de Montpellier. Bien que la date exacte de Jacques Cœur ne soit pas connue, depuis cette année 2000, l’intérêt du public pour cette figure de proue du quinzième siècle français ne cesse de croître. Bernard Chauvière cite, en frontispice de son ouvrage, Fulcanelli :

« Celui qui craint le labeur manuel, la chaleur des fourneaux, la poussière du charbon, le danger des réactions inconnues, et l’insomnie des longues veilles, celui là ne saura jamais rien. »

Nous sommes donc prévenus par le titre et la citation, l’écrivain pratique bel et bien la « philosophie hermétique », comme se plaisent à la nommer ses praticiens. Page 55, la planche 17 présente l’illustration des figures dites « hiéroglyphiques » réalisée au fusain par l’auteur. Cet ensemble de figures décore l’un des piliers soutenant les croisées d’ogives du couloir d’entrée de l’Hôtel Jacques Cœur de Montpellier. Cette bâtisse située rue Jacques Cœur, rebaptisée Hôtel des Trésoriers de France, appartient de nos jours à la Société Archéologique de Montpellier et abrite le Musée Languedocien. Il est fort dommage que l’exposition réalisée par le musée en 2004 sur le thème « vivre au palais au Moyen Age » ait oublié de consacrer un panneau à son illustre possesseur et restaurateur. Pouvait-on trouver meilleure référence que cette vie au palais à cette période ? Réminiscence peut-être du procès dans lequel les Montpelliérains ont fait payer à Jacques Cœur le fait qu’il les ait abandonnés pour le port provençal ! Je regrette encore que le petit homme de bois déchirant sa poitrine exposé au Musée Languedocien au début des années 90 comme ayant  appartenu au trésor de Jacques Cœur, longuement décrit dans « l’homme aux yeux d’émeraude », là encore, n’ait pas été présenté au public lors de cette exposition par ailleurs très attrayante et bien documentée.

 Voici comment Bernard Chauvière, s’adressant à des alchimistes, pages 53 et 54, présente l’ensemble alchimique de Montpellier:

 « Revenons à la maison renaissance de Beaulieu afin de nous intéresser à cette jeune femme représentant la matière de l’œuvre : la vierge minérale. Détail simplifié et important, le drap dont elle se protège affecte la forme du signe de la précipitation, précipitation dont le résultat est signalé par le visage solaire. Cela signifie, plus précisément, la matérialisation du petit soleil minéral, de cette rémore qui amènera l’alchimiste à la pierre philosophale. Cette phase délicate du second œuvre est précédée des sublimations, auxquelles semble se rapporter la représentation suivante sculptée sur les chapiteaux de trois colonnes supportant une ogive suffisamment haute pour laisser passer un homme à cheval (planche 17).

 

"Ces sculptures se situent rue Jacques Cœur, à Montpellier, en un bâtiment ayant été construit par le Grand Argentier. Un dragon ailé pointe sa langue fléchée vers le visage d’une femme au corps de poisson qu’elle partage avec un homme barbu. A l’extrême gauche, un étrange oiseau (planche 18), au corps massif, à la queue de saurien, les ailes déployées, semble prêt à prendre son envol. Son regard, étonnamment fixe, nous désigne les piliers de l’angle opposé, où se trouve gravé le blason de Jacques Cœur, soutenu de part et d’autre, par deux jeunes gens, eux-mêmes entourés par un phylactère sur lequel se lit la devise suivante :

 "A VAILLANS CUERS RIENS IMPOSSIBLE"

"DE MA JOIE DIRE, FAIRE, TAIRE".

"La substance volatile,  issue du dragon ailé, désigne notre matière première. Celle-ci se devra d’être fixée comme l’indique la langue triangulaire pointée en direction du visage féminin. « Fais fixe le volatile » recommandent les auteurs. Le poisson à double tête représente le rebis, double matière, mercure et soufre.
"Quant à l’oiseau fantastique, on remarquera l’extrémité de son appendice caudal qui se termine par une tête de lion. Son chef de lion également est pourvu d’une huppe et, chose étonnante, son menton porte une barbichette : le postiche que portaient les pharaons en ancienne Egypte ! Cet attribut est lié au culte des morts d’Osiris. La tête de lion, ce « caput mortum », d’où naîtra le lion rouge, prendra la volatilité mercurielle marquée ici par la huppe surmontant son crâne. Ne devons-nous pas envisager que le Grand Argentier ait voulu indiquer qu’au cours de ses multiples voyages il aborda la terre d’Egypte, berceau de l’alchimie, et qu’il nous en laissa, en unissant symbolisme alchimique et égyptien, la preuve formelle ?

"Les ailes à demi déployées de notre oiseau alchimique semblent bien s’apparenter à celles d’un aigle. Le résultat de l’opération ne peut s’accomplir sans le secours du lion vert et du lion rouge représentés sur notre sculpture par les deux faces léonines.

"Le mercure issu de la terre contient en lui les particules purissimes du soufre. Suivant l’enseignement d’Eugène Canseliet, « le soleil, or philosophique, sec, sulfureux et fixe, a pris les ailes propres à la volatilité mercurielle et s’élève de l’onde à laquelle il doit ses nouvelles qualités ».

"Cette phrase du maître ne s’applique-t-elle pas, en tous points, à la représentation symbolique du Grand Argentier de Charles VII, qui nous démontre encore ici tout son savoir ?

"Un dernier détail, avant de quitter la demeure montpelliéraine de Jacques Cœur, retient notre attention. A l’angle formé du mur de soutènement et du pilier, dirigeant son regard vers la porte d’entrée, une chouette veille sur les vestiges de l’alchimique maison et toise les postulants au grand œuvre. »

Bernard Chauvière, in "Parcours alchimique à l'usage d'un opératif".


13. MERINDOL 

Dans la revue Micrologus, spécialisée dans les sujets médiévaux, Brepols ed., 1995, Christian de Merindol consacre quelques pages à "la légende ésotérique" de Jacques Coeur. Il constate tout d'abord deux attitudes des historiens, "la réserve ou le silence". Il analyse ensuite les références historiques relevant de l'un et de l'autre discours. Ces références apparaissent dans l'ensemble dans les pages de ce travail réalisé pour les Amis de Jacques Coeur. Nous noterons donc particulièrement les références nouvelles.

Page 263 à 269 : premier discours sur Jacques Coeur et l'alchimie : le silence.

Page 269 : second discours sur Jacques Coeur : l'apparition d'activités alchimiques.

Ce second discours apparaît dès la première moitié du XVIème siècle,

Il cite "un recueil de recettes du XVIème siècle mentionnant plusieurs recettes de "Jacobi Cordier, civis Bituricensis". Orléans, Bibl. Municipale, ms 291, fol. 105-164. Des textes le précédant sont accompagnés des dates de 1516 et 1517.

S'agit-il réellement de Jacques Coeur ? Quelle est la nature de ces "recettes" ? S'il s'agit d'alchimie, s'agit-il de la "Voie sèche", de la "Voie humide", de spagirie ?

Il cite également, p. 269/270, André Thevet, in La cosmographie universelle, Paris, ed. Huillier et Chaudière, 1575 :

"Jacques Coeur a esté plus de vingt ans à faire la Pierre Philosophale et y oeuvra si bien qu'il se fit l'un des grands seigneurs de sa ville, lui qui n'était rien au commencement."

Il continue, p. 270, avec la mention pour la première fois par François Garrault, en 1579, du terme "hiéroglyphes" employé pour décrire les motifs décoratifs du palais de Bourges.

"Ses propos, ajoute-t-il, sont connus grâce à Gobet. (F. Garrault, des mines d'argent trouvées en France, 1579, in Gobet, Paris, 1779, Les anciens minéralogistes du royaume de France). Selon François Garrault, présenté comme un minéralogiste, la fortune de Jacques Coeur est fondée sur l'exploitation de ses mines."

Même page, Mérindol cite F. Garrault :

"Les chimistes doivent apprendre avec plaisir que Jacques Coeur ne fut qu'un grand minéralogiste et que cet homme si célèbre et si malheureux n'eut d'autre Pierre Philosophale que l'exploitation des mines et la métallurgie qu'il introduisit avec succès dans le royaume. Les mots "faire, dire, taire" qui étaient sa devise ne peuvent expliquer aucune opération de chimie ; les hiéroglyphes de ses maisons de Bourges, Montpellier, N.D. de Loches, sont des emblèmes de sa vie et de ses actions. Il y a peut-être des choses relatives aux mines, par exemple la statue qui le représente sur un mulet ferré à rebours, mais c'est un conte répété à la Croix-aux-mines, et qu'on attribue à un Maître des Mines de cet endroit qui se sauvoit ainsi pour détourner les traces de sa fuite lorsqu'on lui annonça une découverte d'argent massif, qui l'enrichit dans un instant : en reconnaissance, il fit fondre une grosse cloche qui existe dans la Paroisse de ce lieu. Ces emblèmes sont des signes qui démontrent que les mystères des anciens Chimistes annoncent des opérations très communes, très simples et qui viennent de la même tradition dans toute l'Europe."

Revenons sur les commentaires de F. Garrault sur la devise "faire, dire, taire". Elle est à compléter par "de ma joie" qui donne alors un éclairage tout à fait alchimique. L'alchimie est bien une joie que l'on tait, surtout devant les dangers évoqués dans 2. LE TRISTE SORT DE L'ALCHIMISTE DE BARGEMON". Bernard CHAUVIERE, dans HISTOIRE MEDIEVALE de février 2004, page 37,  développe, montrant combien cette devise est parlante et précieuse aux opératifs.

"DE MA JOIE DU GRAND OEUVRE,

DIRE PEU,

FAIRE BEAUCOUP,

TAIRE TOUJOURS.

Pour conforter par contre la remarque de F. Garrault, la représentation de Jacques Coeur sur la façade du donjon, posé sur un rocher et tenant une masse en main, indique combien la mine est importante à ses yeux, tout autant qu'elle l'est à des alchimistes véritables qui l'ont longuement illustrée, paraphrasée, symbolisée, comme la matière première qu'ils viennent y chercher.

Au XVIIème siècle, Merindol cite David Plany-Campy et la Biblioteca Chimica de Pierre Borel, parue en 1656, notant un manuscrit de "chymie transmutatoire" de Jacques Coeur trouvé dans une bibliothèque de D. de Rudeval, Sénateur" :

Page 271 :

"D. de Planis-Campy, L'ouverture de l'Escole de Philosophie transmutatoire métallique, ou la plus saine et véritable explication et consiliation de tous les stiles desquels les philosophes anciens se sont servis en traictant de l'oeuvre Physique sont amplement déclarées, Paris 1633."

"Iacques Coeur, cuius MS. de chimia transmutatia estrat Monspelii Senatoris, Gallia COnscriptum, in Bibliotheca D. de Rudavel Senatoris".

Page 272 : Concernant le manuscrit ci-dessus :

"Une pratique de chimie avec l'explication des hiéroglyphes par Jacques COeur était prévue : "Eiusd. Hyeroglyphicorum explicatuionem, et practicam quemdam, Brevi lucem Mittam". Un manuscrit, commente Merindol, accompagne fréquemment l'attribution d'activités alchimiques. Dans un texte paru l'année précédente, Pierre Borel décrit les "figures hiéroglyphiques" des portes de la Grande Loge de Montpellier qui a été construite par Jacques Coeur."

Il s'agit de l'extrait du Trésor des Antiquitez Françaises et Gauloises cité par ailleurs : 7. AUTRES REFERENCES, et 12. BERNARD CHAUVIERE.

Nous avons par ailleurs développé les autre sujets sur lesquels nous reviendrons ultérieurement pour mieux les compléter.

La conclusion, page 278, est fort étonnante. Merindol, malgré les références qu'il cite, réfute à Jacques Coeur la qualité d'alchimiste, rejoignant en cela une forme insidieuse de silence, ignorant même le manuscrit cité par Pierre Borel sous couvert qu'il n'ait jamais été retrouvé.

"A l'issue de cette étude, en retenant les trois aspects du concept médiéval de l'alchimie, selon Robert Halleux, l'art et la science de la transmutation des métaux, la philosophie naturelle qui commande et justifie la pratique transmutatoire et la doctrine médicale, rien ne permet d'y associer Jacques Coeur. Malgré quelques fascinations pour la culture nobiliaire, les qualités de l'homme... paraissent éloignées du monde de l'ésotérisme : un homme d'entreprise qui a le sens réaliste des opportunités et qui a laissé peu de traces d'une activité de lecteur ou de bibliophile. Dauvet n'a relevé que quelques livres d'heures. En revanche, l'emblématique et la thématique, sur lesquelles s'appuient les lectures alchimiques, ont été particulièrement sollicitées pour honorer le roi et magnifier le monde auquel appartenait Jacques Coeur, en un système parfaitement clair et cohérent, à l'image des usages des cours princières de l'époque."

Christian de Merindol est surprenant. L'art de transformer les métaux est l'une des lignes directrices du Grand Argentier Monnayeur Maître Minier. La philosophie naturelle est inscrite dans son LIVRE DE PIERRE et les bestiaires gravés sur ses cheminées. Que vient faire ici la doctrine médicale sinon comme argument contre un Jacques Coeur non alchimiste, car non médecin ? Rien.

Par ses amitiés avec le Pape bibliophile, Nicolas V, à qui, dit la tradition, il aurait rapporté des manuscrits anciens d'Orient, par les nombreux livres et lecteurs gravés sur ses murs (Même Marie tient un livre ouvert sur le vitrail de sa chapelle funéraire), par la finesse de l'art représenté et des thèmes évoqués, Jacques Coeur, malgré la contestation de l'origine du Livre d'Heures de Munich, a largement prouvé son intérêt pour l'art du livre. Son palais de Bourges est un digne continuateur de la grande tradition des Cathédrales livres de pierre.

Même ses associés possédaient un livre d'heures, témoin celui de Simon de Varye. Le "maître" aurait-il fait moins que l'associé ?  Le sujet des livres d'heures de Jacques Coeur est encore à ce jour à étudier.

Par ailleurs, son esprit chevaleresque et les choix faits de servir son pays dans la continuité de l'oeuvre de Jeanne d'Arc prouvent bien qu'un simple sens opportuniste  ne le guidait, témoin également l'amitié sans faille que lui ont gardé ses associés et son choix de partir défendre la Chrétienté.

Merindol avoue tout de même que l'emblématique et la thématique reconnues dans les lectures alchimiques ont été "particulièrement sollicitées" par Jacques Coeur.  il réduit tout simplement leur emploi à des usages courants pour honorer le roi et le monde auquel il appartenait. Jacques Coeur nous prouve le contraire par l'emploi seul d'une devise on ne peut plus intimiste : "de ma joie, dire, faire, taire". Cela ne l'empêche pas bien sûr d'employer également les thèmes royaux pour exprimer son respect, le lys, les cerfs par exemple. Au contraire, il a utilisé des thèmes qui lui étaient chers, comme le roi découronné, symbole alchimique s'il en est, non pour faire plaisir à son souverain, et sans tenir compte du fait qu'ils pouvaient mettre sa vie en danger, tout simplement parce que ses motivations intérieures étaient plus fortes que la réalité. La suite l'a prouvé.

Il est évident, pour contredire Mérindol, que la suite de son histoire a montré que Jacques Coeur n'a jamais vraiment appartenu au monde qui gravitait autour de la royauté. Il était d'origine modeste devenu bourgeois commerçant. Rien que le fait de commercer en faisait un "paria" aux yeux de la Noblesse, son anoblissement en 1441 n'y a rien changé. Seul, l'argent qu'il gagnait trouvait grâce auprès de ceux qui en profitaient tout en le recevant comme un camouflet, Nobles et famille royale confondus. Autre preuve, ils le lui ont fait cher payer !


CONCLUSION 

Pouvons-nous répondre à la question « Jacques Cœur était-il alchimiste » d’une manière péremptoire ? Sûrement pas. En essayant de pénétrer dans la pensée alchimique, la difficulté majeure est que le langage employé décrit un monde qui, non seulement nous est inconnu, mais possède, de plus, une double signification. La première signification est de type exotérique, elle est compréhensible à tout un chacun, évocation de la nature, arbres, fleurs, etc., ou évocation religieuse en particulier. La seconde signification est de type ésotérique ou hermétique, fermée à certains. Elle n’est compréhensible qu’à celui qui pratique et s’appuie donc sur l’expérience ou à celui qui accepte de faire fonctionner la part intuitive, symbolique de la pensée.

 Aujourd’hui, les spécialistes du cerveau reconnaissent à l’être deux polarités cérébrales, part masculine et part féminine, un peu comme la matière philosophale des alchimistes. Part masculine, le coeur. Part féminine, la coquille.  Les fonctions du cerveau gauche sont dévolues en particulier au traitement des données de la vie concrète : logique, raisonnement, analyse, situation dans l’espace, sciences concrètes, etc. La voie de l’action en quelque sorte. La partie droite concerne plus particulièrement la vie intérieure, intuitive, affective, l’esprit qui tend à réunir, synthétiser, le monde de l'abstrait, la voie du sentiment et du monde non pesé, non délimité.

Pour approcher l'alchimie, il faut accepter d'unir en nous ces deux polarités. Ce qui n'est pas facile car tout, dans notre monde moderne, nous pousse à privilégier le cerveau gauche, matériel et concret.

Quoi qu'il en soit, l'Alchimie est dans l’air de Bourges, elle circule dans les couloirs des palais où se promènent les initiés aux mystères de l’art dit royal. Elle y a même une rue. Plus avant dans le temps, l’aura de l’alchimie colore la vie secrète du Grand Argentier de Charles VII d’un voile de mystère, comme la magie du métal en fusion éclaire les différents aspects de sa fabuleuse ascension.

Dans cette voie parcourue au fil des ans pour comprendre qui était Jacques Coeur, j’ai trouvé une infinité de chemins menant les uns vers les autres avec une intelligence savamment orchestrée, chemins ou signes reliés les uns aux autres, s’éclairant les uns les autres. Certains penseront que ce faisceau de convergences n’est dû qu’au hasard. Peut-être ont-ils raison. Pour ma part, je ne crois plus au hasard depuis longtemps. Je vous laisse décider. Mon but ici n'était pas de vous convaincre, mais d’inciter d’autres personnes à chercher, encore chercher, dans le livre du temps, comme les alchimistes doivent lire et relire sans cesse les anciens traités.

A l’athanor, conclurons-nous sans clôturer, il n’est pas de fumée sans feu. Quoi qu’il en soit, les frémissements du métal en fusion jettent sur la vie de Jacques Cœur, monnayeur royal, un voile de mystère que personne n’a encore levé et qui dépasse largement le cadre de la fonte des monnaies. Il ne nous reste plus qu’à partir en quête du manuscrit transmutatoire de Montpellier. Jacques Cœur aura-t-il jamais fini de nous révéler ses secrets ?

ET SI VOUS NOUS DONNIEZ  VOTRE AVIS SUR LA QUESTION ? 

L’HOMME AUX YEUX D’EMERAUDE, impressions d’un lecteur.

 

 EN SAVOIR ENCORE PLUS : sur l'alchimie et Jacques Coeur

En savoir plus sur ce sujet : http://www.khepera.tm.fr

  

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